LE CAMOUFLAGE DES CHARS B
en collaboration avec Jean-Pierre Valantin 

2007 - Un Point d'étape
2023 - Actualisation

 


1. ANALYSE PRÉALABLE

1.1. LES BASES
Nous disposons d'un certain nombre d'informations sur la peinture des engins de combat français.
1.1.1. Sur les camouflages des engins militaires français en général
· Avant la guerre de 1914-18
Jusqu'en 1896, le matériel d'Artillerie, de loin le plus important de l'Armée, est vert moyen. À partir de 1897, le 75 puis les autres pièces adoptent une autre couleur, le gris clair bleuté.
· La guerre et la période 1920-30
Le bariolage par taches de tons divers fait son apparition en 1915. Un texte de mars 1917 précise "badigeon de couleurs mates de teinte ocre, vert et noir, de façon à rompre la régularité des surfaces" . Les taches sont fréquemment délimitées par des cernes noires. Les lignes séparatives sont brisées. Une pièce croquée en 1916 figure un mortier camouflé de 4 couleurs : terre de Sienne, vert foncé, ocre jaune, noir (avec, en sus, probablement, le gris d'origine). Ces dispositions touchent toute l'artillerie française des plus grosses pièces (ALVF) aux canons de campagne. Elles concernent aussi les tracteurs et les caissons d'artillerie. Évidemment, elles influencent les chars d'assaut qui font partie de cette Arme.
De 1920 à 1930, sensiblement et malgré le rattachement des chars à l'Infanterie, les choses restent en l'état. L'absence de commandes importantes d'engins de combat nouveaux bloque l'évolution.
· Les camouflages Renault 1930-34
Vers 1930, Renault adopte un camouflage décrit dans l'ouvrage de F. Vauvillier sur l'AMR 33 : "3 ou 4 tons en taches aux contours nets". Il est de forme tourmentée et est variable d'un engin à l'autre. "Les teintes employées sont le vert olive, l'ocre (jaune) et le vert d'eau". On trouve aussi du Terre de Sienne. À la différence du camouflage Artillerie, les taches ne sont pas cernées et les contours sont lobés et non brisés comme précédemment. Rappelons qu'étant pratiquement le seul constructeur à fabriquer des engins de combat , D1 et AMR essentiellement, premiers B en assemblage, Renault impose le style à toute l'époque.
· L'évolution de 1935
L'ouvrage de François Vauvillier sur l'AMR 35 constate une évolution en 1935 vers des "assemblages de 3 ou 4 tons, en taches de forme arrondies moins tourmentées, bordées d'un filet de teinte foncée, peint le plus souvent au pistolet". Les tons sont les mêmes que précédemment. D'autres constructeurs, Hotchkiss notamment, commencent à fabriquer des chars. Par mimétisme et peut-être, sous la pression des Directions d'Armes, la plupart adopte le nouveau style Renault (F.C.M. s'en éloigne cependant).
· La "Notice provisoire sur la peinture des véhicules automobiles de combat" de 1937
Si nous connaissons son existence, nous ne disposons pas de son contenu. Comme il n'apparaît pas de changements notables en 1937 et 1938 dans la manière d'appliquer les camouflages, nous en déduisons que cette note entérinait les dispositions adoptées par Renault à partir de 1935.
· La "Notice pour le camouflage par peinture des véhicules automobiles de combat" de 1939 (aimablement communiquée par Pascal Danjou), est succincte mais claire. Elle préconise de réduire les surfaces réfléchissantes par l'emploi de peinture mate et précise les tons à utiliser, le gris-vert et le terre d'ombre. Deux tonalités extrêmes de ces couleurs sont fixées, l'une claire, l'autre foncée. La notice précise aussi la manière de casser les arêtes de caisse et l'inutilité d'essayer de compenser les ombres créées par le train de chenilles. Elle privilégie les taches de grandes dimensions pouvant atteindre 2 m et recommande les limites dégradées.
Si le changement de 1935 était somme toute limité (mêmes teintes, cernes, limites plus estompées), celui introduit par la notice de 1939 constitue une rupture, comme nous le montrerons plus loin.
1.1.2. Sur le camouflage des chars B
Nous disposons de quelques rares photographies couleurs de B1bis. Celles du MADAGASCAR, du DORDOGNE, du CONDE et du VERDUN II sont les plus connues. Il existe aussi de rares films allemands en couleurs montrant fugitivement des épaves. Ce sont des témoignages essentiels. Il existe aussi quelques œuvres de peintres qui restituent les tons d'époque.
Ces dernières années, plusieurs clichés inédits sont apparus. L'IROULEGUY, le MAROC, le HAUTVILLERS, le DJIBOUTI, le FLEURIE, le GAILLAC, le NANCY II et l'OURAGON sont découverts. Beaucoup de photos montrent les chars calcinés et inexploitables mais certaines apportent de nouveaux éléments tant pour le camouflage que pour les marquages.
Quant au dessin de ces camouflages, la thèse la plus courante, exposée notamment dans Trackstory N° 3 de Pascal Danjou est que chaque constructeur-assembleur exécutait la peinture du char en fonction de 2 ou 3 schémas qui lui sont propres, schémas qui permettent de distinguer sa production de celle de ses congénères. S'il existait un schéma directeur, chaque char était peint à "main levée" et il ne devrait pas se trouver 2 chars strictement identiques.
 

1.2. UNE INCERTITUDE
Malgré l'examen détaillé de milliers de clichés, l'analyse n'apporte pas la réponse certaine à la question du camouflage des chars B. Les chars photographiés ne l'étaient que rarement lors de leur sortie d'usine. Ils portent les traces de leur utilisation opérationnelle et, manifestement, le char B se salissait beaucoup.
Notamment, sur 360 chars B1 bis construits (à quelques uns près), 80 environ, ont, sur toutes les photos dont nous disposons, un ton moyen, sans caractères autres que les habituelles traces de boue et de graisse sur les flancs de caisse. Il y a bien de-ci de-là quelques limites de nuance sur la tourelle ou le glacis, mais quasi rien qui permette d'en déduire le moindre schéma ni la moindre couleur.
Deux autres faits majorent considérablement la difficulté. Contrairement aux B1, le camouflage des B1 bis est relativement terne, surtout celui des marchés de guerre et les photos dont nous disposons sont, pour la plupart, celles, allemandes, d'après les combats, alors que les carcasses ont brûlé, ont fait l'objet d'essais divers ou sont restées aux intempéries de longs mois.

1.3. LES QUESTIONS

1.3.1. La prise en compte des B1

Notre intention initiale était de ne traiter que des B1bis. Mais, comme pour leurs dispositions techniques, ceux-ci ne sont qu'une amélioration et une suite logique des B1. Certains schémas ne se comprenaient pas sans vision de l'évolution globale. Faire une palette des familles de camouflages sans y intégrer les B1, c'était fournir une vision tronquée. Nous les avons pris en compte.
1.3.2. L'indépendance Caisse-Tourelle
Les tourelles APX étaient coulées indépendamment et fournies au constructeur du char. Les photos d'époque montrent des tourelles dont le schéma est différent de celui de la caisse. Affirmer l'indépendance entre la tourelle et la caisse est donc une thèse défendable.
C'est pourtant bien dommage car quelle facilité si les camouflages de caisse et de tourelle correspondaient ! En effet, cette dernière, mieux protégée de la boue du sol et de la graisse du train de roulement, apparaît beaucoup plus nettement sur les photographies. Ne peut-on aller dans ce sens ?
L'analyse objective de la photothèque des B1 bis montre incontestablement que l'indépendance n'est pas totale. Notamment, lorsque le ton général des caisses s'assombrit, celui des tourelles suit le mouvement. Si, parfois, on trouve une tourelle d'un schéma sur une caisse d'un autre, ce n'est pas le cas général et, globalement, il y a une certaine homogénéité. D'ailleurs, les tourelles des derniers chars produits ont manifestement reçu une couche d'apprêt que le constructeur doit recouvrir. Autrement dit, on ne trouve pas n'importe quelle tourelle sur n'importe quelle caisse.
Nous avons donc admis un certain lien entre tourelle et caisse, dès lors qu'il n'était pas évident que les 2 composants provenaient de sources franchement différentes (cas du Marseille re-tourellé, par exemple).
Il est par contre patent que, le plus souvent, le dessin du camouflage de tourelle est mieux fait que celui de la caisse. Il est plus fin, de taches plus petites, plus soigneusement délimitées (ce qui se comprend, vu la taille relative des deux corps).
1.3.3. L'interprétation des chars très foncés
Plusieurs séries de chars apparaissent très foncées sur les photos d'époque. Ils sont presque noirs (les POMMARD, les TAHURE, par exemple). S'agissait-il d'un effet lié à la peinture neuve, au nettoyage au fuel ou au chiffon gras à l'occasion d'un défilé, à la saison ou à l'heure de la prise de vue, à l'ouverture de l'appareil photo ? Si certaines vues du RIBAUVILLE et du VAUQUOIS font apparaître un char noir "poli" (parce que, en sus, il brille), on trouvait fréquemment une autre photo montrant le même char sous un jour beaucoup plus courant, de ton moyen et à l'aspect plus mat. Par ailleurs, l'analyse détaillée des photos même sombres permettait d'y distinguer au moins 2 tons et quelques marques de délimitation. Il ne pouvait donc s'agir de peinture noire, ton qui aurait masqué toute différence.
Antérieurement, il existait déjà des chars foncés. Le B1 COLMAR apparaît uniformément gris sombre sur certaines photos alors que d'autres vues montrent des taches. Comment expliquer sinon en admettant que les tons étaient effectivement plus sombres que l'accoutumée ? De même, le B1 BRETAGNE est camouflé 2 tons et pourtant, toutes ses vues sont celles d'un char globalement foncé, même à l'état d'épave.
Lors des grands rassemblement de B1 bis en cours de manœuvre, il y a bien des chars globalement clairs (la grille de ventilation se détache du fond) et des chars globalement foncés.
Il n'était pas possible de nier le phénomène et de le réduire à un simple effet. Nous avons fini par retenir une solution de tons certes foncés, mais pas trop.
1.3.4. L'interprétation des chars grisâtres.
Sauf les cas d'épaves, les B1 affichent un camouflage net et franc. En revanche, les B1 bis sont un cauchemar pour le passionné. À part un grand doute, que tirer de ce brouillard ?
Les photographies couleurs du DORDOGNE et du VERDUN II nous ont apporté une première réponse. Elles font apparaître des chars 2 ou 3 tons avec des couleurs très voisines au moins en valeur, des tons sombres et ternes, des contours très fondus et, lorsqu'ils sont cernés (cas du VERDUN II), les bords sont doux et partiels. Dès lors, on comprend que la photo noir & blanc ne rende qu'un ton gris sans distinction possible.
L'essai de rendu de certains chars nous a ouvert une autre voie. Ce que nous en savions a permis à Laurent Lecocq de proposer un schéma en larges taches foncées délimitées par de faibles zones plus claires, le tout très estompé. Nous avions sous les yeux un autre cas possible. Un tel char, photographié en noir & blanc et par temps maussade conduit imparablement à une photo uniformément grise, surtout si quelques salissures masquent le peu de délimitations.
L'aimable communication par Pascal Danjou de la "Notice pour le camouflage par peinture des véhicules automobiles" dans son édition de 1940 a complété l'explication du phénomène. Les 2 tons conseillés par ce document, terre d'ombre et gris-vert (entre 2 valeurs, une claire, l'autre foncée) ajoutés au rejet des peintures brillantes ont pour effet de produire un char neutre, sans éclat, sans contraste, ce qui, pour la photo noir & blanc, donne un gris moyen.
Si cette notice ou un document similaire a été édicté, on doit le discerner sur les photos et ce pour tous les types de chars.
Or, on constate un tel phénomène et même à un moment bien précis. Il correspond au 1000e R 35 et au 70e B1 bis (270 TYPHON), ce qui le situe fin 1938, début 1939.
Pour les H 35 et H 39 comme pour les D 2, la corrélation est moins nette. Comme attendu, tous les H 39 et les D 2 de 2e série (47 SA 35) apparaissent gris. Mais un certain nombre de H 35 et de D 2 de 1ère série le sont aussi, même avec des numéros de début de production. Mais, de nombreux H 35 et D 2 de 1ère série, même de numéros tardifs, ont des camouflages frais et francs de première manière. Comment expliquer ce phénomène ? Certains ont dû être repeints à l'occasion d'une révision ou d'une mise à niveau (remplacement des épiscopes ou du canon, par exemple). Pour d'autres, est-ce un effet lié à la photographie ?
Les chars FCM 36, quant à eux, portent un camouflage différent mais de ton clair et franc. Ils ont tous été fabriqués avant 1939 (sauf les tous derniers) donc avant la parution de la notice.
Une chose est donc certaine, fin 1938, un événement est venu modifier la manière de peindre les blindés français. Une directive imposant des tons sombres et ternes a certainement été diffusée à cette date. L'exemplaire de la notice dont nous disposons est daté de 1940, mais il a pu exister une édition 1939 de ce texte, peut-être en version provisoire (il a été approuvé en août 1938) ou d'un texte de même but et que la notice reprend. Pour autant, elle concerne plutôt les chars légers et n'apporte pas une réponse totale. Elle semble n'avoir pas été suivie scrupuleusement pour les chars lourds. La peinture du VERDUN II, même si elle est fondue et relativement sombre, comprend encore un ton clair, normalement exclu, et le vert est manifestement plus frais que celui conseillé. Là encore, il nous faut adopter une attitude intermédiaire.
Au final, nous avons admis que ces chars grisâtres étaient camouflés, et cela avec de grandes taches dans des tons sombres, mats, relativement ternes et avec des schémas peu contrastés.
1.3.5. Le cas du schéma THIAUCOURT
Au début de notre recherche, nous avions le 385 THIAUCOURT au camouflage caractéristique. C'était à nos yeux un cas unique. Puis est venue la photo d'un autre char inconnu étonnamment semblable. Les 2 engins avaient le même schéma. Nous avons alors cherché si d'autres B ne portaient pas un dessin similaire. En fait, il y en a beaucoup, plus ou moins voisins. De cas isolé, ce schéma singulier devenait style répertorié. La photo couleur de l'IROULEGUY est venue confirmer ce constat, le camouflage est composé de 2 tons de vert.

 

1.4. SYNTHÈSE : L'ÉVOLUTION PAR ÉTAPES
L'analyse et la confrontation débouchent sur plusieurs convictions fortes :
· Les chars français de 1940, les B1 et B1 bis notamment, étaient camouflés. C'est-à-dire que leur peinture extérieure comportait au moins 2 tons, séparés par des contours plus ou moins ouvragés. Certains B1 bis échappèrent à cette règle mais ce sont des exceptions liées à l'urgence.
· Les peintures sont globalement homogènes, c'est-à-dire que, bien que des différences puissent exister entre le schéma de caisse et celui de tourelle, on ne trouve pas n'importe quelle tourelle sur n'importe quelle caisse (il y a, là aussi, des exceptions).
· Il y a très certainement un lien entre le constructeur-assembleur et le schéma de camouflage appliqué. Pour autant, ce lien s'opère par familles de constructeurs et par époque et il n'est pas toujours rigoureux. F.C.M. et ACT en particulier s'influencent l'un l'autre et varient fortement dans leurs schémas, basculant d'un moment à l'autre. Renault, lui, suit des étapes progressives et influence l'ensemble des autres constructeurs.
· Il s'agit la plupart du temps de "styles" et non de "types". C'est-à-dire que tel constructeur applique une manière de peindre comportant un nombre de tons, un type de dessin, une sorte de contour, une palette de couleurs, une taille de taches, mais que le reste et en particulier l'interprétation reste libre. Cela conduit à une grande variété. C'est en particulier le cas des Renault de la période de temps de paix dont aucun n'est la réplique de l'autre.
Précisons que cette variété n'était pas le fait d'un laisser-faire ou d'un laxisme coupable mais bien au contraire d'une volonté claire de l'Armée française de l'époque de ne pas détruire les qualités du camouflage par un systématisme excessif.
· En sus des préconisations relatives au traitement des arêtes et des trains de roulement, on constate l'application empirique de règles permettant de briser les lignes, comme l'usage des tons foncés prioritairement pour les masques d'armes et les angles avant de caisse. Cela dénote une compétence indiscutable des fabricants et des peintres à leur service.
· Surtout, les camouflages français des chars B ont évolué au cours du temps et cela quels que soient les constructeurs. Des styles frais, clairs, francs et tranchés du début, ils sont passés à des schémas ternes, mats, sombres et fondus. Cette évolution s'est produite par grandes étapes, avec parfois des retours arrière. Notamment, alors que les B1 et les premiers B1 bis étaient clairs, les B1 bis de milieu de production sont très foncés. Rapidement, la tonalité revient à des valeurs intermédiaires où elle se stabilise. Sur la fin, on trouve une nette simplification du camouflage sur base de 2 tons en larges bandes. Le char B a trouvé sa forme la plus aboutie.

 

2. LES STYLES GÉNÉRAUX
2.1. Sept Familles

Nous avons dénombré 7 Familles principales :
· Algues
· Muraille
· Ruban ondoyant
· Puzzle
· Taches alternées
· Grandes taches fondues
· Bandes diagonales                                                                                   

La famille Algues se caractérise par des taches verticales longues et étroites, de forme très ramifiée et fortement lobée, évoquant une algue (notamment le goémon) se répétant verticalement 6 ou 7 fois sur la longueur de caisse.
La famille Muraille réunit des taches de forme massée, juxtaposées et enserrées dans un filet ressemblant aux joints d'un mur.
La famille Ruban ondoyant est aisée à reconnaître. Il s'agit d'une bande serpentine claire assez étroite située sensiblement au tiers haut de la caisse, du glacis et du tableau. Fréquemment, elle part du début du truc, monte brutalement, puis ondule en légère pente ascendante tel le ruban des danseuses acrobatiques.
La famille Puzzle est la plus prolifique. Elle recouvre l'ensemble des camouflages dit "Renault" en 3 tons, formant des ramages fortement lobés aux contours en forme de puzzle, le plus souvent cernés soit foncés, soit clairs. Les lobes sont spatulés (extrémités rondes et larges) et, souvent palmés (rayonnants autour d'un point) (à la différence de la forme "Algues" qui monte vers le haut). Selon le dessin plus ou moins serré et la nature des cernes, ces camouflages donnent parfois des effets surprenants et variés, par exemple de ramures, de formes coralliennes, de savants dégradés marbrés ou moirés.
La famille Taches alternées distribue de grandes taches de forme grossièrement triangulaire de part et d'autre d'une bande plus claire. Celle-ci adopte de ce fait une forme en zigzag plus ou moins régulière.
La famille Grandes taches fondues est la plus difficile à préciser. Elle correspond selon nous à une part importante des chars "grisâtres". Il s'agit de grandes taches sombres aux formes aléatoires, séparées localement par quelques maigres surfaces plus claires. Le tout est très estompé, à peine contrasté.
La famille Bandes diagonales est facile à reconnaître dès lors que la photo permet de distinguer les deux tons. Il s'agit de une à trois larges bandes sombres traversant le flanc de caisse transversalement en oblique (du haut à l'avant vers le bas à l'arrière), entourées d'un fond plus clair (ou d'une couleur différente). Les contours sont nets et sinueux.
2.2. Sources d'Inspiration
Remarquons que sur ces 7 familles, 2 sont d'inspiration végétale (Algues et Puzzle), 2, plutôt d'inspiration minérale (Muraille, Bandes diagonales) et 3 sont franchement abstraites (Ruban ondoyant, Taches alternées et Grandes taches fondues). Cela montre la diversité des styles et la recherche en matière de camouflage (domaine où, rappelons le, pour les gros matériels, l'Armée française étaient alors en pointe).
2.3. Extension
L'utilisation varie dans le temps.
Algues : on trouve cette famille sur les premiers B1. À part le Cantal , il n'y a pas d'exemple de B1 bis ayant ce camouflage.
Muraille : on la trouve sur les B1 de milieu de production. Il n'y a pas de B1 bis repéré avec ce camouflage.
Ruban ondoyant : ce procédé se rencontre déjà sur les B1 F.C.M. Il n'est pas très fréquent sur les B1 bis, F.C.M. n'adoptant pas systématiquement ses propres schémas. On ne le trouve plus au delà du numéro 270.
Puzzle : bien qu'on trouve ce genre d'effets sur quelques B1 (il est probable qu'il s'agit de repeints car ces chars non identifiés paraissent neufs et n'ont aucun marquage), ce sont surtout les B1 bis qui l'utilisent et ce, jusqu'à la fin.
Taches alternées : on ne trouve cette famille que sur les B1 bis, au delà du 380, semble-t-il.
Grandes taches fondues : on trouve cette famille sur la deuxième moitié de la production de B1bis.
Bandes diagonales : cette famille ne se rencontre qu'en toute fin de production des B1 bis, au delà du numéro 440.
2.4. Déclinaison
L'ordre des Familles est sensiblement chronologique de leur introduction. Sur les 7 Familles, 4 présentent 2 schémas au moins d'application (on a donc, en tout, 11 schémas). Ces styles sont fonction du temps. Ils évoluent toujours du plus chatoyant, du plus franc et du plus compliqué, vers le plus terne, le plus estompé et le plus simple.
Ruban ondoyant : cette famille comporte 2 types, l'un, aux contours nets, utilisé par F.C.M., l'autre, aux bords plus flous, utilisé par ACT (partie nationalisée de Schneider).
Puzzle : pour les chars B, cette famille comprend 2 grands types. Alors que le premier réunit des couleurs plutôt claires, tranchées, fraîches et contrastées, avec de petites taches, le second est beaucoup plus fondu, presque estompé, ton sur ton, globalement sombre. Les taches sont aussi plus grandes, les contours plus souples et irréguliers. C'est ce dernier style qui génère une part importante des chars "grisâtres".
Taches alternées : là aussi, il existe deux types, un à bords assez francs et un autre aux contours beaucoup plus fondus, manifestement peint au pistolet, adopté pour les numéros "500", ces fameux chars plus ou moins finis, sans tourelle ou spéciaux.
Bandes diagonales : cette famille se décline en 2 types principaux selon le nombre de bandes. Le premier comprend 3 bandes transversales aux bords sinueux. Le second n'a qu'une seule bande très large aux bords souplement ondulés. L'AMX (partie nationalisée de Renault) l'utilise.

 

2.5. Récapitulation
Nous récapitulons ci-après les types identifiés

 

LES CHARS B1

  

ALGUES

Camouflage 2 tons vertical lobé.  Supposé ocre et vert.
  

MURAILLE

Camouflage 2 tons en taches enserrées dans un filet.

Supposé ocres et vert.

RUBAN ONDOYANT 1er TYPE

Camouflage 2 tons. Supposé ocre sur vert. Un ruban de couleur très tourmenté traverse le flanc du char, un schéma similaire est apposé sur la tourelle.
 

PUZZLE 1er TYPE

Camouflage 3 tons lobé avec cernes.

Supposé vert brun ocre


LES CHARS B1bis

 

PUZZLE 1er TYPE

Camouflage 3 tons lobé avec cernes.

Supposé vert brun ocre 
L'emploi d'une plus grande variété de teintes, comme observé sur les R 35 et les D 2 est à considérer.

 
 

RUBAN ONDOYANT 1er TYPE

Camouflage 2 tons. Supposé ocre sur vert. Un ruban de couleur très tourmenté traverse le flanc du char, un schéma similaire est apposé sur la tourelle.

 

RUBAN ONDOYANT 2e TYPE

FCM

Camouflage 2 tons sur la caisse. Camouflage 3 tons lobé avec cernes sur la tourelle.

 
 

PUZZLE 2e TYPE

Camouflage 3 tons lobé avec cernes.

Vert foncé, vert roseau, brun.

 
 
  

TACHES ALTERNEES

Camouflage 2 tons en taches distribuées de part et d'autre d'une bande en zigzag.

Vert et brun foncés ou deux tons de vert

 
  

GRANDES TACHES FONDUES

Camouflage 2 tons en grandes taches.

Vert et brun très foncés.

 
  

BANDES DIAGONALES 1er TYPE

Camouflage 2 tons. 3 bandes diagonales sinueuses.

Vert et brun foncés.

 
  

BANDES DIAGONALES 2e TYPE

Camouflage 2 tons. Large bande diagonale.

Vert et brun foncés.

 

3. QUELQUES CAS SINGULIERS
Compte tenu de la médiocre qualité des photographies d'époque et du triste état de la plupart des B1 et B1 bis après les combats de mai-juin 1940, il est impossible d'être exhaustif et parfaitement rigoureux comme nous le souhaiterions. Toutefois, certains chars sortent clairement de l'ordinaire et les photos disponibles permettent d'en rendre compte. Nous traitons les exemples suivants :
· 251, FANTASQUE
· 334, OURCQ
- 492 JEAN-BART

 

CAMOUFLAGE EXPERIMENTAL

Flocage appliqué en décembre 1939 

  

Camouflage 3 tons lobé avec cernes.

Vert foncé, vert roseau, brun.

Une zone claire (ocre ?) sur la partie basse avant de la caisse. 

 
Camouflage gris uniforme
 

Pour finir, signalons un B1 bis du 47e BCC photographié à Aubigny-sur-Nère. Il présente une variante de camouflage rappelant vaguement le schéma "Algues". Sa peinture de caisse figure des feuilles claires fortement lobées jetées sur un fond foncé. Comme quoi !