JOURNAL DE MARCHE
DU 8e REGIMENT DE CHASSEURS D'AFRIQUE
Le 8e régiment de Chasseurs d'Afrique est formé à Rabat en 1941.
Il est envoyé à Ségou au Soudan jusqu'en mars 1943, il fait ensuite mouvement vers la région d'Oran en Algérie où il va être transformé en bataillon de Tank-Destroyer sur le modèle américain.
Le régiment est alors composé d'un Etat-Major, d'un Escadron Hors Rang, d'un escadron de reconnaissance sur scout-cars et jeeps et de trois escadrons de 12 Tank Destroyer.
ETAT-MAJOR |
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1er Escadron |
2e Escadron
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3e Escadron Capitaine BREUIL Capitaine PERIQUET Capitaine LAVAUT Capitaine de TILLY 1er Peloton Sous-Lieutenant de la ROCHE 2e Peloton Lieutenant BARTHELEMY Sous-Lieutenant SOUGE Aspirant TRUCHET 3e Peloton Lieutenant DUPRAT Aspirant BORDIER |
4e Escadron |
1944 L'ITALIE
Le 1er janvier 1944, le régiment est à Naples, affecté à la 2e Division d'lnfanterie Marocaine qui tient le secteur de droite du Corps Expéditionnaire Français dans les Abruzzes. Le régiment s'installe difficilement dans un secteur montagneux très encombré.
Le 12 janvier, la 2e D.I.M. se lance sur le Monte Monnacasale. La configuration du terrain ne permet pas au 8e R.C.A. d'exploiter le succès de l'offensive. Le régiment doit se limiter au soutien d'artillerie.
Du 15 janvier au 15 mars près de 50000 coups seront tirés. En prévision de l'offensive vers Rome, tous les canons prématurément usés devront être changés.
Le régiment est rattaché à la 1ère Division Française Libre (D.F.L.), dernière division affectée au C.E.F.
DU GARIGLIANO A ROME
Suivant le plan du général Juin, le percement de la "ligne Gustav", se fait en deux mouvements :
Une attaque par la montagne avec trois divisions et les tabors marocains.
Une attaque par la rive droite du Liri avec la 1ère D.F.L et le 8e R.C.A. sur la route de Rome.
Le 11 mai à 23 heures, le 8e R.C.A. traverse le Garigliano, protégé par une intense préparation d'artillerie.
Le 13 mai, la "ligne Gustav" est percée et le 8e R.C.A. s'élance avec deux escadrons, pour conquérir Sant'Apollinare et San Georgio A Liri.
La progression est difficile, ralentie par l'artillerie, les mines, les destructions de ponts et la ténacité de l'ennemi.
Le 3e escadron progresse à découvert sur sa droite car les Canadiens ne suivent pas sur la rive gauche du Liri.
Le 20 mai, 3 T.D. sont détruits.
Le 23 mai, le régiment est réaffecté à la 2e D.I.M.
Le 28 mai, Prise de Geocano par le 8e R.T.M., renforcé des 1er et 3e escadrons du 8e R.C.A.
Le 2 juin, après avoir franchi le Sacco, la route s'ouvre vers Rome. Le 1er escadron réalise un bond de 30 km. A 20 heures il arrive à Colleferro à 50 km de Rome où il est rejoint par le 3e escadron rejoint. Le régiment stationne sur place.
DE ROME A SIENNE
Le C.E.F. forme un corps de poursuite avec la 3e D.I.A. et la 1ère D.F.L.
A la suite de la prise de Rome, le 8e R.C.A. est articulé en trois groupements basés sur un escadron de T.D. renforcé d'une unité de reconnaissance et parfois de chars américains. Ces groupements sont commandés par des officiers du 8e R.C.A.
Groupement de gauche : 3e escadron.
Groupement du centre : 4e escadron sur l'axe de la route n°2 vers Sienne.
Groupement de droite : 2e escadron.
Le 18 juin, prise de Radicofani après des combats acharnés.
Le 19 juin, l'avance reprend, ralentie par les destructions systématique des ouvrages d'art et les mines.
Le 24 juin, le capitaine Breuil, commandant le groupement progressant à l'ouest est tué par l'explosion d'une mine.
Le 30 juin, le groupement ouest s'empare de Grotti et de Raddi en vue de Sienne.
Le 1er juillet, Les 2e et 4e escadrons dépassent Sienne qu'ils contournent par l'est et l'ouest.
Le 3 juillet, la 3e D.I.A. entre dans Sienne, absolument intacte, sous les acclamations de ses habitants.
La campagne d'Italie est finie pour le C.E.F. et le 8e R.C.A.
Du Garigliano au nord de Sienne, le 8e Chasseurs a effectué un parcours de 400 kilomètres dans des terrains particulièrement difficiles pour un régiment blindé.
PERTES
64 Tués : 6 officiers, 10 sous-officiers, 48 gradés et chasseurs.
327 Blessés dont 27 officiers, 51 sous-officiers et 249 gradés et chasseurs.
Le 7 juillet 1944, le régiment fait mouvement vers le sud pour embarquer a Tarente à destination de la France.
LA FRANCE - LE DEBARQUEMENT
(Carnet du Maréchal des Logis LEFEBVRE).
Le lendemain 23 Août, la progression continue sur TOULON à l'Ouest de la GARDE, mais l'action principale a lieu sur l'axe Sud où le peloton La ROCHE du 3e Escadron opère avec le détachement SAVARY, des fusiliers marins. C'est l'affaire du CLOS-AUGUSTA que le Sous-Lieutenant de LA ROCHE a consignée sur ses tablettes.
" On signale un char ou un automoteur vers le Clos AUGUSTA ! Renseignement classique par son imprécision... Mon peloton, avec ses trois T.D., se glisse dans les bois de pins qui bordent la mer... l'infanterie n'a rien vu de précis, mais le Capitaine de la Compagnie stoppée est très heureux de voir arriver les destroyers qui vont l'aider à progresser vers le Clos AUGUSTA.
Ce fameux Clos se présente sous l'aspect inoffensif d'un bois de pins fermé de notre côté par un mur. Une section suffira.
Un Aspirant monte sur mon char de tête et nous partons avec les tirailleurs... en approchant, il apparaît que les Boches ont remué beaucoup de terre par ici.
Au bout du sentier, apparaît d'abord une petite casemate qui le commande... un obus explosif et la casemate grille avec son lance-flammes. A travers la fumée, le Brigadier-Chef PLONGERON, tireur aux yeux bleus infaillibles, distingue un PAK au ras du sol... un obus projette son tube à dix mètres il n'ennuiera plus les voitures qui ne pouvaient déboucher du PRADET.
Sur la droite, encore deux mitrailleuses qui sautent en l'air il reste le mur... trois coups de perforants y font de bonnes brèches. Rien ne bouge dans le Clos, mais les tirailleurs sont arrêtés par les barbelés et le champ de mines, Ils hésitent. Le T.D. de tête s'avance alors, tandis que l'Aspirant crie à ses hommes de marcher dans les traces des chenilles... 'Un bond jusqu'au mur, un coup sur un tas de munitions, pendant qu'un deuxième T.D. se dirige sur la droite pour contourner le Clos. Les Boches alors n'insistent plus et c'est les bras tremblants qu'ils sautent le mur... 43 dont un officier sont pris. Le Clos, on le voit maintenant, est truffé d'abris bétonnés.
On ramasse 3 mortiers de 81 et plusieurs lance-grenades de 50. Chez nous, pas un blessé le coup est payant ".
La dernière ligne de défense de l'ennemi a sauté à son tour. TOULON est atteint. Dès l'aube du 24 Août, le peloton AZEMAR reconnaît le quartier AIGUILLON où il livre des combats de rues et a un blessé. De son côté, le détachement PERIQUET opère à l'intérieur de la ville il cause de lourdes pertes aux Allemands au fort de la MALGUE, détruit des casemates et des nids de mitrailleuses. Enfin, tout au Sud, le peloton de LA ROCHE, mis en goût sans doute par son exploit de la veille, anéantit le fort SAINTE-MARGUERITE
Au soir du 24 Août, tous les éléments engagés du 8e Chasseurs sont regroupés à la GARDE et aux environs, ils ont été rejoints par le 2e Escadron et le reste du 1er débarqué le 22.
Le 5 Septembre a lieu une prise d'armes à LYON. L'étendard, le Colonel et le 1er Escadron y participent et défilent devant le Général de LATTRE de TASSIGNY. On a souvent dit et répété que les Lyonnais étaient des gens froids et peu expansifs... apparence trompeuse, ce fut un débordement d'enthousiasme inouï. Nous fûmes fêtés, acclamés, applaudis, entourés, bousculés, embrassés. Jamais, pour ma part, je ne fus et ne serai autant embrassé par autant de jolies filles en une seule après-midi... c'est un record imbattable.
Ce même jour, les 2e et 3e Escadrons rejoignent LIMONEST, mais sans pouvoir aller plus loin. Le 4e, lui, est toujours dans l'ARDECHE et n'arrivera que le 11. Entre temps, bénis par les habitants ou pays, nous y remettons un peu d'ordre. Nous nous opposons au pillage des fermes, nous faisons la police des routes où circulent trop de gens armés qui, sous prétexte de libération, alors que les Allemands sont à deux cents kilomètres au Nord, se livrent à des trafics peu réguliers. C'est ainsi que, le 7 Septembre, nous arrêtons une camionnette de F.T.P. transportant 650 kilos d'or volé dans une banque lyonnaise, ce qui nous permet de restituer le tout à la banque de France. C'est ainsi que, le 9 Septembre, nous arrêtons 3 Allemands cachés dans une propriété particulière avec la complicité du maître du logis qui se fait embarquer avec ses trois hôtes.
Enfin, le 12 Septembre, un premier ravitaillement en gas-oil permet de pousser sur VARENNES-le-GRAND les T.D. des 2e et 3e Escadrons. Le 15, un deuxième ravitaillement arrive et tout le Régiment remontant vers le Nord par MACON, CHALON et BEAUNE vient s'établir à AUBIGNY et BRAZEY-en-PLAINE où nous arrivons réservoirs vides mais coffres pleins de vieilles bouteilles de Bourgogne que les habitants nous ont offertes en cours de route.
Le 19 Septembre, arrive l'ordre de mouvement avec le carburant nécessaire pour l'accomplir. Ce déplacement doit nous conduire dans la HAUTE-SAONE. Nous ne sommes pas arrivés à temps pour forcer d'un seul élan la trouée de BELFORT et atteindre l'Est de BAUME-les-DAMES, ce qui tend à nous annoncer une campagne d'hiver sur le sol de FRANCE dans une région particulièrement favorable à la défensive. Et ce mouvement va être le point de départ d'une suite interminable d'autres mouvements qui, par allongements successifs, nous porteront de plus en plus vers le Nord. Et le temps, se mettant contre nous, va nous faire connaître une fois de plus, les souffrances de l'eau et de la boue, en attendant la neige et le gel.
VERS BELFORT
Et voilà le 8e Chasseurs quittant la plantureuse BOURGOGNE pour l'humide et triste FRANCHE-COMTE. Nous apprenons à faire connaissance avec les villages sans joie ni confort, où l'accueil est réservé, méfiant, dirait-on... ce n'est plus le rire clair et l'accent savoureux où chante un reflet de vie, de bon vin, de grand soleil, c'est un pays sérieux, où on se livre difficilement et qui ignore la douceur de vivre.
La mission primitive est de déboucher sur l'axe VILLERSEXEL, CHAMPAGNEY, GIROMAGNY, en se couvrant en direction d'HERICOURT. Le 21 Septembre, on aboutit au dispositif suivant : le P.C. est aux forges de MONTAGNEY, le 1er Escadron à MONTAGNEY, le 2e à GOUHELANS, le 3e à CUBRIAL, le 4e à Les MAGNY. Pays boisé, très coupé, favorable aux embuscades où les lignes très étirées permettent aux Allemands de faire des coups de main sur nos arrières pays de défilement où se cachent encore nombre de fuyards qui essaient de regagner 'ALLEMAGNE. C'est ainsi que sur les bords de l'OGNON sont surpris 5 ennemis, appartenant à l'artillerie de marine qui avaient retraité à pied depuis la BRETAGNE.
Le 29 Septembre, l'avance réalisée est de 1.500 mètres. Ce jour-là, se constitue un sous-groupement du CORAIL comprenant le 3e Escadron et un peloton du 1er Escadron du 8e R.C.m A., un Escadron de reconnaissance du 1er R.F.M. Il s'agit pour lui de s'étendre au Nord et de se porter au VOLVET. près de FRESSE, pour contre-attaquer les éléments ennemis qui ont repris à la 1ère D.B. le col de la CHEVESTRAYE. Au soir, le sous-groupement a établi des bouchons antichars à la sortie Est de FRESSE et à la sortie Est de MONTANJEUX. Le lendemain, le 2e Escadron qui, sous la protection du peloton CUROT, s'est faufilé plus avant dans les bois de la NANNUL, détruit un canon antichar à la lisière de BOULET, mais le 22e B.M.N.A., chargé du débouché sur RONCHAMP, n'atteint pas son deuxième objectif et le 8e R.C.A. est obligé de stopper sur place. Le lendemain, la situation reste sans changement, l'artillerie ennemie s'acharne sur toutes nos positions et l'on attend l'arrivée du B.M. 24 pour réattaquer sur RONCHAMP.
L'assaut a lieu le 2 Octobre le B.M. 24, appuyé par le 4e Escadron, parvient d'un premier bond jusqu'à l'Eglise de RONCHAMP. Le 2e Escadron en profite pour pousser sur EBOULET. Une fois de plus, il tombe sur des antichars mais réussit quand même à progresser à l'abri de fumigènes. Malgré les mines et surtout les concentrations massives d'artillerie allemande, l'avance se poursuit et, le 4e Escadron s'installe à la sortie Est de RONCHAMP. Il a un peloton engagé sur la route de CHAMPAGNEY. un autre sur la route de BELFORT. Il est stoppé par des abatis et l'Aspirant ROUX, qui vient de prendre à l'ennemi un camion chenillé intact, est mortellement blessé en allant les reconnaître à pied.
Et la guerre de mouvement se termine là, Dieu seul sait alors pour combien de temps. Après le manque d'essence, c'est le manque de munitions qui se fait sentir. Les retards du carburant, empêchant la poursuite, ont permis à l'ennemi de fortifier solidement les avancées de BELFORT, et, maintenant, nos transport ferroviaires déficients ne permettent pas d'acheminer vers la ligne de bataille trop lointaine assez de munitions pour entamer sérieusement cette ligne fortifiée. D'autre part, il y a crise d'effectifs. Notre passage à travers la FRANCE libérée a suscité un fol enthousiasme, mais cet enthousiasme n'a pas été jusqu'à pousser beaucoup d'hommes à nous suivre au danger. Les quelques engagements volontaires recueillis ne peuvent boucher les trous, et, jeunes recrues ou F.F.I. intégrés, tous ont besoin d'un entraînement sérieux pour combattre utilement sans pertes trop fortes.
Pour le 8e R.C.A., ses pertes, du 28 Septembre au 5 Octobre, jour où se stabilise le front, s'élèvent à 8 tués dont un Aspirant et à 33 blessés. Quant à cette stabilisation du front, elle se présente ainsi pour nous : le 1er Escadron est installé en point d'appui fermé à la scierie de RONCHAMP vers le carrefour CHAMPAGNEY-BELFORT. Le 2e Escadron est établi près d'EBOULET. La situation des défenseurs de RONCHAMP est un peu paradoxale. Ils sont sous les vues directes des observatoires ennemis qui, des hauteurs où passe la nationale 19 de PARIS à BELFORT, voient tout ce qui se passe dans les rues du bourg. Tout mouvement leur est donc interdit, chaque ravitaillement est sanctionné par une volée d'obus et tous leurs emplacements sont soumis à des tirs de harcèlement qui ne leur laissent aucun répit. On s'organise comme on peut, on se cache, on s'enterre en un sol boueux que détrempe une pluie continuelle. Le 3e Escadron, avec un peloton du 1er, se trouve toujours au débouché du col de la CHEVESTRAYE. Le 4e enfin, qui a subi les coups les plus durs, est envoyé au repos dans la région de BESANÇON.
BELFORT ET LA HAUTE-ALSACE
Le 18 Novembre, notre front est brusquement raccourci et le 1er Escadron rappelé de la vallée de la MOSELOTTE en HAUTE-SAONE. Dans la soirée, arrive un ordre d'opérations articulant les unités blindées de la 1ère D.F.L. en trois groupements ainsi répartis :
Groupement de MORSIER : éléments du 1er R.F.M., 4e Escadron du 8e R.C.A. réparti entre FERDRUPT, La ROCHE, col de la FOURCHE, CHATEAU-LAMBERT. Doit être prêt à se regrouper en réserve dans la région de la LONGINE après relève par la 3e D.I.A.
Groupement de GASTINES : éléments du 1er R.F.M., peloton AZEMAR du 1/8e R.C.A., 2 Escadrons du 8e R.C.A., éléments du 2e Cuirassiers. Mission : suivre l'action de l'infanterie et travailler à son profit sur l'axe RONCHAMP-CHAMPAGNEY-PLANCHER-BAS se tenir prêt à devancer l'infanterie pour reconnaître et exploiter en direction de GIROMAGNY rechercher la liaison avec la 2e D.L.M.
Groupement du CORAIL : éléments du 1er R. F. M., éléments du 2e Cuirassiers, 3e Escadron du 8e R.C.A. Mission : maintenir un bouchon anti-chars vers SERVANCE, être prêt à suivre l'action de l'infanterie sur l'axe FRESSE, La CHEVESTRAYE, PLANCHER-les-MINES, en aidant sa progression par le feu, en le devançant en cas de rupture de la défense ennemie, en constituant rapidement, le cas échéant une solide défense anti-chars.
Le Colonel SIMON, commandant le 8e R.C.A., assure le commandement de l'ensemble des groupements et l'heure de l'attaque est fixée au 19 Novembre à 7h30.
Ces détails techniques sont indispensables pour permettre de suivre la série d'actions que va mener le Régiment sur des axes différents.
Le temps est épouvantable, les routes défoncées et très minées - on va s'en apercevoir - les prairies inondées et tous les cours d'eau en crue. La pluie continue à tomber épaisse et froide, les sommets sont sous la neige, tout promet beaucoup de plaisir.
Donc ce dimanche 19 Novembre, le groupement de GASTINES, en soutien de la 4e Brigade du Colonel RAYNAL, progresse sur l'axe RONCHAMP, la HOUILLIERE, la BOUVERIE, CHAMPAGNEY et sur l'axe RONCHAMP, SOUS-les-CHENES. Les seules difficultés proviennent du terrain détrempé et des mines fort nombreuses, l'ennemi ne semble pas vouloir réagir immédiatement. En fin de journée, il stationne, d'une part aux lisières Est de CHAMPAGNEY, d'autre part aux lisières S.-E. de SOUS-les-CHENES où le peloton AZEMAR est au contact.
Le groupement du CORAIL, en soutien de la 2e Brigade du Colonel BASTIDE, ne peut démarrer ce jour-là, malgré la prise en fin de journée du col de la CHEVESTRAYE, l'itinéraire est impraticable aux véhicules, il faut que le Génie l'aménage rapidement.
Quant au 4e Escadron, il détruit plusieurs observatoires ennemis dans la région Sud du THILLOT. La progression continue le lendemain toujours lente à cause des difficultés du terrain, des inondations, des destructions énormes et aussi de l'ennemi qui ne consent pas à se laisser bousculer sans réagir. Le groupement de GASTINES s'empare cependant de Le MAGNY, PLANCHER-BAS et AUXELLES-BAS, faisant 50 prisonniers, et parvient, sur la route de GIROMAGNY jusqu'à 2 kilomètres N.-E. d'AUXELLES, où il est arrêté par une coupure fortement battue. Des éléments sont alors détachés plus au Sud et s'emparent de haute lutte de Les GRANGES-GODES, ERREVET, EVETTE-HAUT et BAS, mais une résistance plus forte couverte par de grosses inondations ne leur permettent pas d'occuper La CHAPELLE-sous-CHAUX, ni de déboucher du passage à niveau d'EVETTE. Ils sont de plus sous le feu direct du fort du SALBERT qui est fortement tenu. Un simple fait suffira à montrer les difficultés du parcours : l'Aspirant AZEMAR, essayant de passer le RAHIN à gué, vit son scout-car complètement submergé, il fallut des heures l'effort pour le dégager, à la suite de quoi, il poursuivit sa route sans désemparer. En fin de journée, il prend liaison à FRAHIER avec le groupement MOLLE de la 2e D.I.M.
Le groupement du CORAIL franchit le col de la CHEVESTRAYE à 12h30, dévale sur PLANCHER-les-MINES qu'il enlève à 14 heures en liaison avec l'infanterie et se trouve arrêté à un kilomètre au Sud du MONT par une coupure. Celle-ci est aménagée sur le champ, les abatis retirés et à 19 heures ses véhicules à roues entrent dans AUXELLES-HAUT. Il a perdu un T. D. sauté sur une mine.
Quant au 4e Escadron, relevé de sa mission, il se met en route sur FAUCOGNEY, mais, dans la nuit, il doit envoyer des éléments de T.D. et le peloton MALAVOY vers le col de la FOURCHE et CHATEAU-LAMBERT où les F.F.I., qui ont relevé la Légion, craignent une contre-attaque.
Groupement de GASTINES : Opérant dans la région d'EVETTE, le groupement enlève La CHAPELLE-sous-CHAUX dans la matinée. Puis le peloton AZEMAR, à pied, reconnaît les pentes boisées du SALBERT, il revient après avoir déterminé les emplacements de deux armes anti-chars qui seront détruites par les T.D. A 16 heures, il est envoyé à VALDOIE où il pénètre et essaie de prendre à revers le SALBERT dont la résistance arrête toujours les Fusiliers-marins. Surpris par la nuit, il s'y installe en point d'appui, sous un bombardement sévère.
Le groupement de GASTINES piétine toute la journée devant l'énorme coupure qu'il est impossible de déborder. Ses T.D. appuient la progression de l'infanterie, détruisent un observatoire, une arme anti-chars et font huit prisonniers.
Le groupement du CORAIL détache des patrouilles à pied sur LEPUIX-GY au Nord de GIROMAGNY. Il n'a d'autre route praticable que celle où est stoppé le groupement de GASTINES et doit, comme lui, attendre le rétablissement de la coupure.
Enfin le 4e Escadron arrive à son tour dans la région d'EVERET et détache aussitôt un peloton devant VALDOIE en soutien de l'infanterie et du peloton AZEMAR dont la situation n'est pas particulièrement solide.
Les 2 et 3 Décembre, sur le col du HUNDSRUCK. on continue le déblaiement des abattis. Des hommes continuent à tomber en plein effort au long de la route, des pieds, arrachés par les mines témoignent des souffrances endurées pour gagner quelques centaines de mètres. Et quand, le 3 Décembre les derniers arbres abattus roulent dans la précipice, ils découvrent une énorme coupure barrant le passage. Le lendemain seulement, la route JOFFRE réparée permet la reprise du mouvement en avant. Le Capitaine LE HAGRE prenant la tête de l'avant-garde réussit à la tombée de la nuit un coup de main sur l'auberge de RUTHENSTALL à 2 kilomètres au S.-O. de BITSCHWILLER et s'y enferme pour la nuit avec un groupe du Bataillon de choc. Cependant un des chars de soutien a été atteint par une arme antichar, qu'un T.D. est détruit. Quant au 2e Escadron, il appuie une attaque d'infanterie sur RAMMERSMATT, mais l'attaque échoue devant la violente réaction ennemie. Un de ses pelotons est alors envoyé au repos à MELISEY.
Le 16 Décembre, la fameuse offensive, déclenchée par Von RUNDSTEDT dans les ARDENNES, enfonce le front allié et pénètre très profondément en BELGIQUE. La nécessité de colmater la poche qui se forme et de préparer des points forts qui tiendront et en permettront la réduction oblige le commandement suprême à prélever des unités sur des fronts calmes. C'est ainsi que la 2e D.B. du Général LECLERC est retirée du secteur qu'elle tient au Sud de STRASBOURG. Pour la remplacer, il n'y a rien. Rien d'actuellement disponible et l'on rappelle aussitôt la 1ère D.F.L. désignée fin Novembre pour l'opération ROYAN-POINTE de GRAVES et qui, depuis le 15 Décembre, a commencé à s'installer dans la région N.-E. de BORDEAUX. Donc, dans les derniers jours du mois, la Division va traverser la FRANCE à toute allure, pour venir prendre la nouvelle place qui lui est assignée. Et, en attendant on appelle le 8e Chasseurs qui, une fois de plus, lui est rattaché, monte en lignes pour relever déjà certains éléments de la 2e D.B.
Le front à tenir s'étend sur 40 kilomètres, ce qui est énorme pour une Division. Longeant le bord du RHIN de PLOBSHEIM à RHINAU, il s'infléchit ensuite presque à angle droit, traversant entre RHINAU et EBERSMUNSTER cette partie marécageuse de la plaine et coupant perpendiculairement le canal du RHONE au RHIN, l'ILL et toutes les lignes d'eau secondaires : nouvel angle à EBERSMUNSTER pour rejoindre SELESTAT, mais sans border l'ILL : si bien que, de cette dernière ville à RHINAU, il ne se trouve aucun point d'appui naturel à quoi s'accrocher. En ce cas, la vraie solution tactique consisterait à établir partout la ligne de résistance sur la rive gauche de l'ILL, ce qui raccourcirait le front et permettrait de tenir solidement une ligne naturelle du terrain, mais ceci obligerait, en cas d'attaque ennemie, à abandonner, sans combat, des villages alsaciens libérés qui ont tout à craindre des représailles ennemies. L'ordre est donc formel tout faire pour conserver la totalité du territoire libéré.
Le 1er Janvier, le Général commandant la 1ère D.F.L. fixe la répartition de ses forces qui donne au 8e R.C.A. la place suivante. Le Colonel SIMON est désigné pour commander le sous-secteur centre, il dispose du 8e moins deux Escadrons de T.D., du 2e Cuir., du 3e Bataillon de Légion et d'une Compagnie Nord-Africaine. Sa mission est de tenir sans esprit de recul les villages de KOGENHEIM, SEMERSHEIM, HUTTENHEIM avec des éléments de surveillance à la lisière Sud du bois de SEMERSHEIM. Le 2e Escadron est mis à la disposition du Colonel GARDET, commandant le sous-secteur Sud qui va de EBERSMUNSTER à SELESTAT, le 4e Escadron rentre dans la composition de la réserve blindée de la Division aux ordres du Commandant de GASTINES qui dispose en outre de 2 Escadrons du 1er R.F.M. à NIEDERNAI.
LA POCHE DE COLMAR
L'ALLEMAGNE
C'est un beau dimanche de Pâques. L'an dernier, en cette même fête chacun grognait, parce que, à peine descendu de lignes, il fallait y remonter dans la pluie glacée et des brumes du GARIGLIANO ; cette année, sous le soleil radieux d'un jour de printemps, dans des villages d'ALSACE en fête, la voix des cloches sonnant à toute volée ne dissipe pas l'amertume qui gonfle les cœurs. Des troupes françaises ont forcé depuis la veille le passage du RHIN ; pour un soldat de la revanche il ne peut y avoir de fête que là-bas. C'est que le RHIN n'est pas une frontière ordinaire. Depuis l'époque de CESAR c'est le symbole même de l'intégrité du pays germain ; prendre pied sur la rive droite c'est vraiment renverser le dernier rempart protégeant la puissance allemande, c'est jeter à bas le vieux dieu tutélaire de la race et du territoire. Et nos ennemis, nourri des vieilles légendes écloses dans les brumes du feu sacré, nos ennemis, dont l'enfance et la jeunesse s'enchantèrent au récit des exploits des NIEBELUNGEN du pays de SPIRE, devaient plus encore, ressentir cette impression.
Sombre dimanche de Pâques passé dans l'inaction ! Mais c'est toujours au moment où l'on désespère le plus que se réalisent les désirs les plus chers. Le lendemain 2 Avril, à 11 heures le Régiment est alerté et doit se tenir prêt à faire mouvement vers l'ALLEMAGNE. Les préparatifs de départ se font dans une joie délirante, jamais il ne fut si peu nécessaire de presser qui que ce soit, tout est terminé en un temps record ; 3 heures après l'ordre d'alerte, les premiers éléments sont en route. La dernière aventure, mais la plus belle, est commencée.
L'ordre particulier de l'Armée qui met le 8e R.C.A. à la disposition du 2e C.A. précise que ses éléments combattants doivent se trouver, ce jour-même 2 Avril avant 18 heures, rassemblés autour de BELLHEIM à l'Est de LANDAU. Dans l'après-midi, la frontière est franchie à LAUTERBOURG et dans la soirée le Régiment est regroupé dans la zone qui lui est assignée. On a tant parlé du fameux Volksturm que chacun ouvre l'œil et garde son arme à portée de sa main, mais la population se révèle fort peu dangereuse, moins sans doute que certain petit vin blanc du RHIN.
La journée du 3 se passe à mettre au point tous les derniers préparatifs de combat. Le Régiment, est rattaché à la 2e D.I.M., il doit passer le RHIN à l'aube du jour suivant. La joie règne partout. Le vin est encore bien meilleur que la veille, les saucisses petites ou grosses, les tranches de jambon et autres "delikatessen", cadeaux plus ou moins spontanés de nos hôtes, garnissent les coffres des voitures en prévision des faims futures.
A 1 heure du matin, départ. Le black-out est complet et la nuit sans lune paraît plus profonde encore Des projecteurs sillonnent le ciel là-bas, au dessus du RHIN, et, par toutes les routes qui convergent vers SPIRE, s'avancent les milliers de véhicules de la 5e D.B. Le secteur français ne possède pas encore de pont où puissent passer les blindés et nous devons emprunter le pont américain de LUDWIGSHAFEN-MANNHEIM. Dans un ordre impeccable, la progression s'effectue de façon à amener chaque fraction au pont à une heure bien déterminée. A 4 heures, nous pénétrons dans ce qui fut la ville industrielle de LUDWIGSHAFEN ; paysage chaotique de ferraille tordue, de pans de murs écroulés, d'arbres déchiquetés, paysage lunaire fourmillant d'énormes cratères ; et voici le RHIN, le libre RHIN allemand chanté par BECKER et proclamé inviolable, et tandis que doucement le pont de bateaux s'enfonce sous le poids de nos lourds engins, le clapotis du fleuve rythme en ma mémoire les vers de MUSSET :
" Nous l'avons eu votre RHIN allemand
Son sein porte, une plaie ouverte...
Nous l'avons eu votre RHIN allemand
Si vous oubliez votre histoire
Vos jeunes filles, sûrement,
Ont mieux gardé notre mémoire ;
Elles nous ont versé votre petit vin blanc... "
" Ils ne l'auront pas, avaient-ils dit, le libre RHIN allemand, jusqu'à ce que les ossements du dernier homme soient ensevelis dans ses vagues... " Les fils ont retrouvé le chemin suivi par leurs pères. CONDE de son cheval avait déjà déchiré la robe verte du fleuve ; aujourd'hui, nos moteurs grondants nous ont portés jusqu'à cette rive droite où MANNHEIM dresse vers le ciel les lamentables squelettes de ses ruines. Nobles façades ouvertes sur un pan de nuit plus claire, désert de pierres entassées où ne chante pas un oiseau, où pas même une ombre furtive ne vient rappeler la grande ville bruissante de naguère.
Le jour se lève. La vie reprend dans la campagne retrouvée. Dans les villages, les habitants regardent avec une sombre indifférence, peut-être parfois avec une lueur d'espoir, un sentiment obscur de délivrance, la masse des blindés qui débouchent de partout, qui, en longues files impressionnantes, s'allongent sur les routes plates. A 8 heures, nous entrons dans la petite ville d'HOCKENHEIM. On dirait une fourmilière qui vient d'ouvrir un coup de pied brutal. L'affolement règne en maître. Au volant de ma voiture arrêtée au milieu de la rue principale, je contemple ces femmes s'enfuyant un matelas sur la tête, une valise à la main, cette population tourbillonnant comme brassée par une tempête trop forte, ces vieillards résignés qui, après des années de victoire, voient pour la deuxième fois le vrai visage de la défaite. C'est un plaisir cruel de songer que, cinq ans plus tôt, nos villes et nos bourgs offraient le même spectacle.
Le Régiment doit séjourner 24 heures à HOCKENHEIM avant d'être engagé. Inutile de dire que l'installation est princière, les luxueuses demeures des principaux nazis sont immédiatement réquisitionnées et l'atelier régimentaire s'installe dans une fabrique de cigares !... O rationnement du tabac !.. Jamais on ne vit en même temps autant de militaires français arborer de magnifiques cigares. Et ils furent d'autant plus appréciés qu'ils étaient réservés à la Wehrmacht !...
Mais le 8e R.C.A. n'est pas outre-Rhin uniquement pour fumer des cigares, ou déguster de poudreux flacons à long col ; la guerre continue et dans la journée arrive de la 2e D.I.M. l'ordre d'opérations. Le Régiment se trouve fractionné de la façon suivante : les 1er, 3e et 4e Escadrons à la disposition du C.C. 4 du Général SCHLESSER ; le 2e Escadron et le peloton de reconnaissance AZEMAR aux ordres du Général CHAPPUIS, commandant l'I.D. 2.
Le 5 Avril, dès 7 heures, cette deuxième fraction sous le commandement du Capitaine BOUCHARD, fait mouvement sur BRUCHSAL où se trouve le P.C. du Général CHAPPUIS. Celui-ci met le détachement à la disposition du Lieutenant-Colonel commandant le 5e R.T.M. Avec les tirailleurs, il participe à la prise de GONDELSHEIM vers 17 heures et à celle de DIEDELSHEIM, vers 19 heures. Dans ce dernier village, à la tombée de la nuit, le Lieutenant AYOUN se trouve à l'improviste nez à nez avec un char allemand qui, tous feux éteints, cherchait à sortir de l'agglomération. Avec son légendaire sang-froid, il arrête l'engin, persuade l'équipage d'abandonner volontairement son char et, ceci fait, le détruit à coups de T.D.
Dans la journée, le P.C. du Colonel se porte à FRIEDRICHSTAL, puis à SPOCK, enfin, à 19 heures, à OBERGROMBACH. En même temps, l'articulation du Régiment est modifiée de la façon suivante : le 3e Escadron est mis à la disposition du Colonel MIOUEL commandant le 1er R.E.C. à GRABEN, il stationne le soir à JOHLINGEN ; le 4e Escadron lui, est mis aux ordres du Colonel NAVARRE (sous-groupement de CASTRIES).
Les objectifs du sous-groupement MIQUEL sont les ponts de l'ENZ entre PFORZHEIM et MUHLACKER. Il est réparti en trois détachements : avec le détachement Nord, le peloton BORDIER, avec le détachement Centre, le peloton SOUDE, avec le détachement Sud le peloton LA ROCHE, le peloton STEIDEL et le peloton MICHON-COSTER. Ces trois détachements partent dans la nuit du 5 au 6 Avril. Au Nord, un des T.D. du peloton BORDIER est atteint et endommagé par un perforant, et le Maréchal des Logis-Chef DUQUESNE récupère un Panzerjäger 38 ; au Centre, le peloton SOUDE atteint vers le soir OETlSHElM qui est déjà occupé, et, au Sud, le peloton LA ROCHE détruit deux canons de 88 au carrefour à 2 km Est de KIESELBRONN. Ce carrefour est ensuite occupé et tenu par les pelotons STEIDEL et MICHON-COSTER.
Ce même jour à l'aube, l'Escadron BOUCHARD avec le peloton AZEMAR est parti à l'attaque sur la route de STUTTGART, en direction de MAULBRONN. Il se heurte à une résistance qui est en train de s'installer à quelques kilomètres du village. Une heure d'explication avec les T.D. du peloton MICHELET persuade l'ennemi d'abandonner la partie.
Le peloton AZEMAR repart alors en reconnaissance sur MAULBRONN. Le Maréchal des Logis MARGUET et le Brigadier-Chef HEURTEVENT sont dans les jeeps de tête. Les premières résistances, enterrées aux abords du village, ne réagissent pas et les laissent passer ; c'est seulement lorsque le peloton aborde les premières maisons qu'il est stoppé net par un feu violent d'armes automatiques se déclenchant subitement de toute part. Une mitrailleuse Bréda tractée tire à balles explosives.
Le chasseur TERLON, tireur du Brigadier-Chef HEURTEVENT, n'a pas le temps d'ouvrir le feu. Il est tué d'une balle en pleine tête. Le Maréchal des Logis MARGUET réussit à se mettre à l'abri avec sa jeep dans une maison. Le Sous-Lieutenant AZEMAR saute de son scout-car avec le Brigadier-Chef ZUBER et il tombe mortellement blessé d'une balle à la face. ZUBER, lui, atterrit dans un fossé nez à nez avec un officier allemand qu'il tient en respect aussitôt avec son arme et à qui il tient compagnie en attendant de pouvoir l'évacuer. Au même moment, le tireur du scout-car est blessé à son tour et le conducteur HARDIER reste seul valide dans son véhicule ; il bondit alors à la mitrailleuse lourde et en quelques rafales détruit la Bréda et met le feu à son tracteur.
Arrive alors le Lieutenant AYOUN qui, avec les T.D., ouvre le feu à bout portant sur le village, pendant que le peloton porté KUHNMUNCH aide à nettoyer les nids de résistance et que l'infanterie attaque par le Nord. A midi, l'opération est terminée : 7 prisonniers, dont 2 officiers sont ramenés au P.C.
A 16 heures, le peloton TRUCHET fonce sur OTISHEIM qu'il attaque par surprise, pendant que le Brigadier-Chef CHEVALIER poursuit en jeep toute une section allemande à travers champs. A 17 heures, le village est pris avec 50 prisonniers dont 1 officier. Poursuivant immédiatement sa route, il s'empare de SCHONENBERG à 18 heures. A 20 heures, le Capitaine MALAVOY avec les restes du peloton AZEMAR, les T.D. du peloton AYOUN et une section d'infanterie, attaque la position d'ERLENBACH, défendant l'entrée de MUHLACKER. A la nuit tombante, il pénètre dans le village en flammes, puis, sous une violente réaction de l'artillerie allemande, il reçoit l'ordre de laisser la défense aux soins de l'infanterie qui vient d'arriver pour aller assurer la sécurité d'OTISHEIM où il s'installe à 23 heures.
La journée du 7 Avril sera passée sur les positions, divers indices laissent prévoir une contre-attaque de chars et toutes les précautions sont prises pour la déjouer et la briser, si malgré tout elle se produit. Seul le peloton STEIDEL est envoyé en reconnaissance en direction de PFORZHEIM et il regagne l'Escadron après avoir été accroché par une très forte résistance.
Dans la nuit, le Colonel SIMON prend le commandement d'un groupement comprenant, outre le Régiment, le groupe de commandos et le sous-groupement CHAMBOST. Les ponts de l'ENZ étant coupés et fortement tenus, sa mission est de filer de flanc devant la ligne ennemie, de contourner PFORZHEIM et de foncer vers le Sud, pour donner la main à la 9e D.I.C. qui descend plus à l'Ouest. En effet, l'ennemi, de toute évidence, cherche à nous interdire le plus longtemps possible les directions essentielles de STUTTGART par le couloir naturel de PFORZHEIM, et de KEHL ; le commandement français, confiant en la valeur combattive de ses troupes, n'hésite pas alors à lancer ses Divisions en plein Sud, au cœur du massif montagneux de la Forêt-Noire, ce sera déborder les puissantes organisations de la ligne Siegfried face à STRASBOURG, et ouvrir la route vers les plaines du WURTEMBERG au Sud de STUTTGART.
Le groupement SIMON démarre au jour. Le peloton TRUCHET en tête aborde PFORZHEIM. Les Commandos se sont battus toute la nuit dans les faubourgs Ouest qu'ils occupent, mais l'ennemi tient toujours la partie Est de la ville et les hauteurs qui la dominent, ainsi que la partie Sud. Le 1er Escadron se trouve bientôt bloqué dans la ville par un détachement de la 5e D.B. qui, fortement accroché à la sortie Sud, ne peut progresser. Il en résulte rapidement un embouteillage d'autant plus dangereux que nos éléments sont soumis aux tirs à vue des automoteurs allemands embossés sur les crêtes toutes proches de la rive droite de l'ENZ. Il faut chercher un cheminement possible en dehors de la ville et à travers bois. La progression est lente... des véhicules s'enlisent et il faut l'aide des T.D. pour les sortir du sol spongieux ; l'enchevêtrement des layons ne permet pas une orientation correcte et, vers 16 heures, le Capitaine MALAVOY, avec le Sous-Lieutenant TRUCHET et le Chef ARNOULT, part en patrouille à pied. Parvenu à la lisière, il s'aperçoit qu'il a gardé la bonne direction et observe devant lui l'ennemi en train de s'installer.
Immédiatement alertés, les pelotons TRUCHET et STEIDEL débouchent, soutenus par un peloton de chars du 6e Chasseurs, et foncent à la charge, en bataille à travers champs, sur l'ennemi qui, culbuté et affolé, se replie et se rend. Total : 3 blessés légers et 30 prisonniers. La poursuite est immédiatement continuée sur ISPRINGEN, pendant que le peloton STEIN, avec le 3e Escadron, s'empare de DIETLINGEN. Les T.D. assurent immédiatement la garde du carrefour à 2 km Est du village et le P.C. du Colonel s'installe à 16 heures à ISPRINGEN. L'artillerie allemande est active et rend difficiles toutes les liaisons qui sont obligées de défiler en pleine vue sur les hauteurs N.-O. de PFORZHEIM.
Pendant ce temps, le 4e Escadron, qui a pris part à l'abordage de PFORZHEIM, se regroupe à WILFERDINGEN, quant au 2e Escadron, il fait mouvement sur MULHAUSEN. Le peloton GILLET prend position sur les crêtes Sud du village et tire un automoteur allemand. Sa mission terminée, il est surpris en lisière de bois par une patrouille munie de bazookas. Il y a 2 T.D. atteints et incendiés.
Pour clôturer la journée qui a été fort dure, le peloton TRUCHET, dans la nuit, fait un prisonnier qui, conduit au P.C. du Capitaine MALAVOY, disparaît mystérieusement. Vers une heure du matin, le Capitaine voulant se reposer, le retrouve endormi dans son lit.
Le 9 Avril le P.C. se porte d'ISPRINGEN à ELLMENDINGEN. Le groupement SIMON a pour mission de s'emparer, couvert par le C.C. 4 en direction de HERRENHALB, du nœud routier à 600 m. au Nord de NEUENBURG, pendant qu'une autre action débordera le même objectif par l'Ouest et le Sud-Ouest ; il dispose pour l'opération du groupe des Commandos de FRANCE.
A 0 heures, le peloton TRUCHET, le peloton STEIN et un peloton de chars se mettent en route sur DIETLINGEN où ils sont renforcés par une section de Génie, puis se dirigent sur NIEBELSBACH. De là, tandis que le peloton STEIN se dirige vers l'Est avec le groupement HALLO, le peloton TRUCHET et le peloton de chars s'en vont en reconnaissance sur ARNBACH. Quelques tireurs isolés prennent la colonne à partie dans les bois. ARNBACH est défendu par un ennemi disséminé dans les maisons. Le peloton de chars, arrivé à la crête dominant le village, ouvre le feu sur les lisières, tandis que le peloton TRUCHET se lance en avant. Après une courte échauffourée à la mitrailleuse, mitraillette et à la grenade, le village est enlevé à 14 heures et 21 prisonniers envoyés à l'arrière.
Les Allemands se replient dans les bois ; la route de SCHWANN est coupée par des abatis. Le Capitaine MALAVOY envoie le Sous-Lieutenant TRUCHET à pied avec six hommes pour reconnaître la route. Ceux-ci débordent par la forêt et, très rapidement, sont accrochés par des armes automatiques. Un des chars les rejoint alors et, après une courte explication, l'ennemi se dérobe pendant que le Génie enlève les abatis.
Arrivent alors en renfort le peloton de T.D. SOUDE, une section portée de la Légion et un Commando pour attaquer SCHWANN. Après une reconnaissance à pied jusqu'aux lisières des bois d'où l'on peut apercevoir le village, le Capitaine monte son dispositif d'attaque, mais le Génie n'a pu terminer le déblaiement de la route, la nuit tombe et l'affaire est reportée au lendemain.
Quant au peloton STEIN, sous les ordres du Capitaine LAVAULT du 3e Escadron, il pousse sur GRAFENHAUSEN qu'il occupe. Il envoie des reconnaissances dans les bois environnants où il est arrêté par de violents tirs de mitrailleuses ; il se replie alors sur GRAFENHAUSEN où il doit se défendre contre une attaque de chars ennemis : le chasseur LENGLEZ a le bras arraché au volant de sa jeep. Ensuite, il participe à l'attaque du fameux carrefour de la Croix du Paradis à 600 mètres de NEUENBURG. Celui-ci est très fortement tenu et ne peut être enlevé. Le peloton s'installe défensivement à proximité dans une maison isolée. Un tir d'artillerie lui cause un blessé, puis, le dernier obus tombé, le téléphone privé se met à sonner. Le Brigadier-Chef ZUBER prend l'appareil, répond dans le plus pur allemand à son interlocuteur et apprend ainsi que le soi-disant propriétaire de la villa est un officier en civil, chargé de communiquer les positions ennemies. Celui-ci est arrêté sur le champ.
De leur côté, les pelotons STEIDEL, MICHON-COSTER et un peloton de T.D. du 3e Escadron, partis de ELLMENDINGEN avaient attaqué et occupé OBERHAUSEN où ils s'installent pour la nuit.
Le 4e Escadron, dans le groupement de CASTRIES, se porte dans la journée à ITTERSBACH, tandis que le 2e réduit à 3 T.D., demeure à proximité de MULHAUSEN.
Le 10 Avril, à 6h30, le peloton TRUCHET, appuyé par les pelotons de T.D. SOUDE et BORDIERS déclenche l'attaque de SCHWANN qu est occupé et nettoyé une heure plus tard puis soumis à de violents tirs d'interdiction de l'artillerie adverse. Arrive alors l'ordre de pousser sur DENNACH. La route étant fortement tenue, le peloton TRUCHET tente de déborder la résistance par une piste forestière. Le Brigadier-Chef HUSTACHE, dans la jeep de tête, tombe nez à nez au sortir d'un virage, avec un nid de résistance armé de panzerfaust. Le peloton stoppe et la fusillade devient vite générale dans les bois. Le Capitaine envoie la section portée de la Légion aux ordres du Sous-Lieutenant DARRAS, pour soutenir le peloton engagé, mais le combat est extrêmement confus, les Allemands fort nombreux s'infiltrant partout. Le Sous-Lieutenant TRUCHET, en tête, est bloqué dans un trou par des tireurs embusqués dans les arbres. On apprend par les prisonniers capturés (13 hommes et 1 officier) que tout un Bataillon tient cette partie de la forêt. Les moyens de notre côté étant nettement insuffisants pour venir à bout d'une résistance aussi étoffée, le détachement reçoit l'ordre de se replier sur SCHWANN avec l'aide du peloton de Commandos. Le mouvement s'effectue sans incidents et les pelotons regagnent le village où ils s'installent sur la défensive.
Pendant ce temps, le peloton STEIN termine le nettoyage du nœud routier au Nord de NEUENBURG, puis, passant à travers bois, rejoint SCHWANN où il vient renforcer le détachement MALAVOY ainsi qu'une section portée de mitrailleuses et un peloton d'obusiers.
A 21 heures, l'ordre est donné au Capitaine MALAVOY de pousser coûte que coûte jusqu'à DENNACH. Le détachement repart donc en pleine nuit, peloton STEIN en tête. Il est arrêté dans la forêt, qui semble avoir été abandonnée, par de nombreux abatis que le Génie commence aussitôt à déblayer sous la protection des chasseurs du Lieutenant STEIN, partis à pied au carrefour situé à la sortie des bois pour assurer la sécurité avancée. Mais à 2 heures du matin, le travail est loin d'être terminé et les sapeurs ont épuisé tous leurs pétards le Capitaine est obliger de replier son détachement sur SCHWANN. C'est là qu'en pleine nuit, le peloton STEIDEL, qui n'a pas été engagé, vient rejoindre en route, l'Aspirant est tiré par un panzerfaust qui manque de peu sa voiture.
Pendant cette même journée, le 4e Escadron s'est porté sur LANGENALB et rentre le soir à ITTERSBACH, tandis que le 2e Escadron continue à stationner à MULHAUSEN.
La farouche résistance opposée par l'ennemi en cette région ne doit étonner personne. L'ordre d'opération de la 257e Division de Grenadiers, daté du 10 Avril, prévoit de forts centres de résistance près de NEUENBURG, au Sud de SCHWANN et à l'Ouest de LANGENALB. L'intention est claire il s'agit d'empêcher à tout prix les Français d'entrer dans la montagne en direction du Sud, de barrer la route menant à la vallée de l'ENZ par NEUENBURG.
C'est pourquoi aussi, les ordres d'opération français prescrivent d'avancer par tous les moyens pour ne pas laisser à l'ennemi le temps de se réorganiser ; ce qui est en jeu c'est la dislocation de tout le 4e C.A. et la prise de flanc de la 19e Armée. Pour la journée du 11 Avril, le groupement SIMON reçoit donc mission de pousser des reconnaissances sur WALDRENNACH, WILDBAD et LANGENBRAND en s'emparant au minimum de WALDRENNACH.
A 6h30, le détachement MALAVOY se porte sur DENNACH. Après un long travail de déblaiement il atteint à 8 heures le village en flammes que l'ennemi vient d'évacuer. Il a été soutenu dans son opération par les pelotons de T.D. BORDIER et SOUDE. Puis le peloton TRUCHET part en reconnaissance sur HOFEN, mais les Commandos sont contre-attaqués à WILHELMSHOHE et, le passage étant impossible, le peloton s'installe en bouchon en soutien de ces derniers. Au soir, il est relevé par la section portée de la Légion et revient participer à la défense de DENNACH qu'il faut absolument tenir pour la nuit. Les tirs de mortiers sont fréquents et assez denses. Sur la gauche, le peloton LA ROCHE s'est emparé du carrefour 664 entre DOBEL et DENNACH y détruisant 2 canons de 75 PAK. Quant au 4e Escadron, toujours au groupement de CASTRIES, il atteint le même jour ROTENSOL. Dans ce pays de vallées et de croupes boisées, où les observatoires n'ont aucune vue, la bataille est farouche pour empêcher nos troupes de déboucher sur HERRENALB. Mais nos hommes s'infiltrant sans arrêt, attaquant, débordant, s'enfonçant hardiment entre les points d'appui ennemis, désorganisent peu à peu l'adversaire sur des chemins impossibles, les chars, les T.D. cahotent, s'enlisent, glissent, aveugles et intrépides les unités allemandes morcelées, privées de transmissions régulières, se replient, se rendent ou s'émiettent, non sans avoir cependant résisté jusqu'à la limite, protégées par une artillerie encore puissante mais qui ne peut plus suffire à sa tâche. C'est au soir de ce jour que le Général commandant la 257e Division est tué d'un éclat d'obus à proximité du carrefour que vient d'enlever le peloton LA ROCHE.
La journée du 12 n'amène aucun changement. Puisqu'il n'est pas encore possible de bousculer d'un seul coup un ennemi trop fortement accroché à ses bois, ses crêtes, ses rivières, il faut reconnaître ses points les plus faibles et faire sauter les jointures brutalement par une action en force sur les points les moins défendus ou supposés inattaquables.
L'ordre d'opération, valable pour la journée du 13, amorce cette manœuvre. Le groupement SIMON, avec la 10e Cie du 4e R.T.M.. un peloton d'A.M., doit mener, avec tous les moyens de feu disponibles, l'attaque de diversion sur l'axe NEUENBURG. LANGENBRAND, en vue de s'emparer de WALDRENNACH. Après relève par le 4e R.T.M., il regroupera tous les moyens blindés non utilisés dans l'opération précédente.
Sans donc s'attarder à forcer le passage au Sud de SCHWANN, les éléments du 8e Chasseurs se regroupent et, changeant d'axe, se dirigent sur NEUENBURG. C'est une délicieuse petite ville, blottie au creux dune étroite vallée, dans une boucle de l'ENZ ; ses collines, couvertes de sapins, lui font une sombre couronne entre les vieilles maisons à pignons, entre les jardins fleuris par un printemps exubérant, la limpide rivière chante de sa voix de cristal et les relents de gas-oil de nos blindés ne peuvent étouffer le pénétrant parfum des fleurs épanouies à profusion. C'est en ce décor pourtant que la guerre continue. Pendant que les 155 pilonnent WALDRENNACH, le peloton BORDIER prend position pour canonner les lisières du village. A 15 heures, le 1er Escadron, peloton TRUCHET en tête, s'empare du village qu'il tient avec l'infanterie, puis le groupement est arrêté à la sortie Sud par des tirs de mitrailleuses et d'automoteurs impossibles à repérer dans les sapinières épaisses. L'objectif cependant est atteint, mais l'artillerie allemande écrase WALDRENNACH dont de nombreuses maisons prennent feu, illuminant fantastiquement le paysage pendant la nuit.
Ce même jour, le 2e Escadron, toujours inutilisable à cause de ses pertes non réparées, se porte de MULHAUSEN à ISPRINGEN, tandis que le 4e Escadron, s'enfonçant dans le dispositif ennemi, atteint GERNSBACH, près de BADEN-BADEN, s'ouvrant la route qui, par la vallée de la MURG, remonte, jusqu'à FREUDENSTADT. La manœuvre de dislocation et d'encerclement est si bien amorcée que l'ennemi va faire, mais en vain, des efforts désespérés pour y parer.
Pour couronner, l'on apprend au P.C. une nouvelle citation du Régiment à l'Ordre de l'Armée pour hauts faits accomplis pendant la campagne de FRANCE la même distinction est accordée au 3e Escadron et le Colonel SIMON reçoit la rosette. Et chacun pense bien que cette deuxième palme décernée à l'Etendard ne sera pas la dernière l'ennemi s'en apercevra mieux que quiconque dans les jours qui vont suivre.
Le lendemain 14, le commandement prescrit d'accentuer la pression vers l'Est, Sud-Est. L'axe du groupement SIMON est jalonné par LANGENBRAND. SCHOMBERG, BAD-LIEENZELL, NEUHENGSTETT et CALW. Il s'agit pour lui, en se couvrant face au Nord-Est, de s'emparer de HOFEN et de rechercher un passage sur la NAGOLD afin de déborder CALW par l'Est.
L'attaque démarre à 7 heures. Le peloton TRUCHET en tête, est arrêté, après le premier carrefour à l'intérieur des bois par des abattis solidement défendus. Le peloton STEIDEL est envoyé sur sa gauche pour essayer de contourner la résistance la patrouille à pied, qu'il détache, se heurte à un ennemi fortement retranché. Sur la droite, le Maréchal des Logis MULLER, parti à pied lui aussi, rencontre également l'adversaire, cependant que les obus fusent dans les sapins, atteignant deux jeeps.
Puisque le passage s'avère impossible de face, tous nos éléments de tête, obliquant vers la droite, rejoignent l'axe ami déjà déblayé et, par HOFEN, s'engagent sur la route en lacets qui monte vers LANGENBRAND où ils font brutalement irruption à 14 heures. La lutte est chaude, l'aviation attaque et mitraille nos colonnes, le peloton BORDIER détruit deux chars, une arme antichar et un véhicule blindé dans les rues du village qui commence à brûler. Nos hommes se battent bientôt dans une véritable fournaise qui risque à chaque instant de communiquer le feu aux véhicules. Dans les écuries, les animaux blessés meuglent ou hennissent lamentablement devant l'incendie qui gagne. Les obus ennemis, s'écrasant sur les charpentes en flammes, font jaillir d'impressionnantes gerbes d'étincelles et couvrent les routes de brandons enflammés. Mais l'élan est tel que le village est dépassé et, à 18 heures, les pelotons TRUCHET et STEIDEL occupent SCHOMBERG où tout le 3e Escadron se regroupe en fin de soirée. Tout semble faire prévoir pour le lendemain matin une contre-attaque de chars, et l'on se tient sur ses gardes.
Le 2e Escadron, lui, s'est porté sur WALDRENNACH ; de là il tente de déboucher à l'Est sur ENGELSBRAND afin d'élargir la ligne de communication de NEUENBURG à SCHOMBERG, mais il est repoussé et perd un chef de peloton blessé. Le 4e Escadron a atteint en fin de journée REICHENTAL. Ainsi, ce que l'ennemi craignait et n'aurait pas cru possible se réalise cependant. Des éléments blindés lourds, s'infiltrant en pleine montagne par des sentiers inimaginables, manœuvrant par les crêtes, débordant toutes les résistances soigneusement mises en place pour barrer la vallée. Il est difficile de dire ce qu'il faut le plus admirer, de l'audace de conception du commandement, ou de l'habilité et de endurance des troupes qui réalisèrent ce tour de force.
Au matin du 15, la contre-attaque attendue ne se produit pas et le mouvement en avant reprend dès 10 heures. Il va être mené par le 1er Escadron à un rythme endiablé qui se maintiendra pendant les jours suivants. L'Escadron de reconnaissance inscrira aux fastes du 8e Chasseurs des pages ardentes et glorieuses dans la plus belle tradition de la Cavalerie.
Donc, le peloton STEIDEL part en tête ; avec le peloton TRUCHET, il s'empare d'OBERLANGENHART vers 11 heures, ramassant 14 prisonniers, puis poursuit sur ZAINEN. Là, tout l'escadron se trouve bloqué par un détachement de la Légion, arrêté par la résistance d'OBERKOLBACH qui le prend de flanc. Pendant que le peloton TRUCHET attaque par l'Ouest, le peloton STEIN, passant par les bois s'infiltre et entre dans le village par le Nord. L'ennemi, à l'effectif d'environ une compagnie, se replie et s'enfonce dans les bois au Nord-Est. Il se montrera du reste agressif puisque, vers le soir, il contre-attaquera l'infanterie amie, coupant les lignes de communication de l'Escadron qui se trouvera dangereusement en pointe. Pour l'instant nul ne s'en soucie, l'ordre est de foncer, on fonce et l'on inaugure une sorte de marche en tiroir où chaque peloton, tour à tour en tête, rivalisera d'audace, j'allais dire de témérité.
Pendant que le peloton STEIDEL tient MAISENBACH et le peloton STEIN OBERKOLBACH, le peloton TRUCHET file sur EBERSPIEL qu'il enlève à 15 heures. Aussitôt, le peloton STEIDEL rejoint et, à son tour, dévale sur OBERREICHENBACH qu'il occupe et où il s'installe en bouchon, à cheval sur la grand'route de CALMBACH à HIRSAU le peloton STEIN alors relève le peloton TRUCHET qui, dépassant le peloton STEIDEL, attaque et prend ALTBURG. Le peloton STEIN relève le peloton STEIDEL qui part occuper WELTENSCHWANN, puis s'en vient rejoindre à ALTBURG le peloton TRUCHET. Là, il est renforcé d'un peloton de chars, d'une section portée de la Légion, d'un groupe de T.D. du peloton LA ROCHE, et, dans un coup de folle audace, va tenter, avant la nuit, de mettre la main sur les ponts de la NAGOLD.
Le Brigadier-Chef FERRER qui conduit le scout-car de tête a décidé de violer tous les règlements limitant la vitesse des véhicules militaires sur route. Il descend sur la vallée à tombeau ouvert derrière lui, le peloton colle au plus prés. L'ennemi, décontenancé par cette sorte d'avalanche inattendue, fuit en désordre ; à 20h30 CALW est atteint, occupé ; les ponts sur la NAGOLD sont intacts tant la surprise a joué et le chef du Volksturm est arrêté avant qu'il ait pu prendre le commandement de ses hommes.
Ainsi le 1er Escadron du 8e Chasseurs, initialement chargé d'une mission de flanc-garde, l'a, par son impétuosité, et son habileté manœuvrière, changée en mission d'avant-garde. Au soir du 15 Avril, en pointe de l'Armée, il s'installe autour des passages de la NAGOLD qui ouvrent la route vers STUTTGART et vers ULM. L'ennemi qui s'est ressaisi devant le danger, coupe toutes ses communications avec l'arrière et stoppe à plusieurs endroits la progression de l'infanterie qui s'efforce de profiter sans retard de la voie magnifiquement ouverte. Les hommes sont harassés et la nuit qui vient couronner ce soir de victoire ne leur apportera pas le repos ; on a combattu le jour, il faut veiller la nuit pour conserver le terrain durement conquis et, dès l'aube, laissant à d'autres le soin d'occuper ce que l'on a pris, il faudra repartir de l'avant et combattre à nouveau sans autre repos que la joie de vaincre.
Pendant cette journée, le 2e Escadron est resté à WALDRENNACH. Le 4e qui commence à être très loin de la partie principale du Régiment, puisque l'on n'entend plus sa radio et que les services du ravitaillement ne trouveront pas son emplacement, s'est enfoncé de plus de 15 kilomètres en pleine FORET-NOIRE et a participé, dans le groupement de CASTRES, à la prise de BESENFELD, ce qui le porte à la latitude de STRASBOURG. La défense allemande en plaine de BADE et dans tout le massif montagneux est à la veille de s'effondrer.
Et sans repos, la folle course à la victoire continue. CALW occupé, et le passage de la NAGOLD assuré, le 8e R.C.A. a ordre de se diriger vers le Sud aussi rapidement que possible, le 1er Escadron devant flanc-garder face à l'Est le groupement de la Légion qui se dirige sur la ville de NAGOLD. Les éléments de tête démarrent à 9 heures, le 1er Avril, et arrivent à ZAVELSTEIN où un Escadron du 1er R.E.C. est arrêté devant des marécages, des coupures et des abatis. Mais personne n'entend piétiner sur place ; pas de passage, on en trouvera quand même ! Le peloton STEIDEL s'en va en reconnaissance vers le Sud-Est, se rabat sur BAD-TEINACH, ravissante petite ville d'eaux dans une délicieuse vallée étroite à souhait et d'un pittoresque délicat, et l'occupe. C'est vraiment la guerre totale, le Capitaine MALAVOY, s'arrêtant au long du ruisseau qui gazouille sous les sapins, tue une magnifique truite à la carabine. Puis le Maréchal des Logis LIGNON avec une patrouille de deux jeeps découvre en forêt un chemin qui permet d'aboutir au-delà des coupures et des abatis. On l'utilise aussitôt et le peloton TRUCHET s'en va purement et simplement occuper NEUBULACH pendant que le peloton STEIDEL en fait autant d'ALTBULACH.
Ce mouvement de rocade a fait passer le 1er Escadron devant les éléments de la Légion dont il devait protéger le flanc. Qu'à cela ne tienne ! A nous l'honneur, il faut bien quelqu'un en tête et c'est une place qui nous paraît devoir nous revenir de droit. Le 1er prend donc à son compte la mission des Légionnaires et continue sa marche en flèche en espérant que cela suivra.
Même tactique de progression en accordéon. Le peloton STEIN vient occuper NEUBULACH, d'où le peloton TRUCHET se dirige sur OBERHAUGSTETT, puis sur SCHONBRONN où il est accroché, mais après un combat rapide, l'ennemi n'insiste pas et se replie. C'est alors le peloton STEIDEL qui rejoint et qui continue sur EFFRINGEN où il est accroché à son tour. Le Maréchal des Logis LIGNON détruit une mitrailleuse, puis les jeeps s'infiltrent dans le village, protégées par le feu des armes lourdes du peloton. Le Brigadier-Chef GALBAN tue le chef du Volksturm qui combat au milieu des soldats en uniforme, le village est enlevé après un engagement rapide mais brutal.
Et la poursuite continue. Le peloton TRUCHET quitte SCHONBRONN qu'occupe le peloton STEIN et il continue sur WILDBERG. L'ennemi, pris de vitesse, n'a pas le temps de s'installer ; une courte fusillade et il se replie. Pendant que s'achève le nettoyage de la petite ville dont toute la population s'est réfugiée dans un tunnel, le peloton STEIN démarre à son tour et va reconnaître PFRONDORF qu'il occupe après avoir fait 3 prisonniers. Le peloton TRUCHET vient le rejoindre en passant par la route bordant la rivière et tout l'Escadron s'enferme dans PFRONDORF pour la nuit, accueillant avec joie un peloton de T.D. arrivé en renfort.
Le peloton SOUDE, intégré au sous-groupement BOILEAU, a participé, sur un axe parallèle vers l'Ouest à celui du 1er Escadron, à la prise de WENDEN, de ROTFELDEN, et, en fin de journée, à celle de MINDERSBACH, tant il est vrai que tous les éléments du 8e Chasseurs rivalisent entre eux de vitesse comme si chacun mettait son point d'honneur à s'installer, pour la nuit, le plus loin possible à l'intérieur du dispositif ennemi. Et tout le Régiment est en mouvement. Le P.C. suit au plus près ; à 14h30. il est déjà à NEUBULACH, le 2e Escadron s'étage entre SCHOMBERG et BAD-TEINACH, car tout de même, s'il est magnifique de progresser aussi rapidement, de lancer des pointes au plus profond des lignes ennemies, il faut cependant assurer le mieux possible les communications permettant le ravitaillement. Or, si le pays est remarquable de poésie et de pittoresque, c'est aussi un pays rêvé pour tous les guet-apens imaginables. Routes étroites, enserrées dans l'épaisseur inquiétante des bois de sapins, hameaux isolés, fermes perdues, vallées encaissées, abrupts dominant les pistes, ponts impossibles à surveiller, innombrables layons se croisant et s'entrecroisant, tout est mystère, inquiétude, surprise possible pour le ravitailleur circulant avec un camion solitaire.
Et là-bas, à l'Ouest, le 4e Escadron que, depuis 36 heures on cherche en vain à ravitailler, a encore gagné vers le Sud. Depuis deux heures du matin, il a progressé au milieu des embûches, dans des forêts dont les hommes se désespèrent de voir jamais la fin, au cœur de montagnes dont l'altitude ne fait qu'augmenter. Tous ont l'impression d'être engagés dans une aventure assez folle et ressentent une impression d'isolement assez compréhensible mais le Commandant de CASTRIES a décidé que son groupement enlèverait le morceau à une allure record et tout le monde suit avec une ardeur endiablée. Au soir du 16, l'Escadron SOULE, participe à l'attaque et à l'occupation d'IGELSBERG.
La nuit n'a apporté de repos à personne et l'ordre d'opérations pour la journée du 17 ne laisse pas présager d'heures calmes, Il s'agit en effet de pousser d'une part sur HORB et d'y atteindre le NECKAR, de pousser d'autre part sur FREUDENSTADT et de couper ainsi la route KEHL-TUBIGEN une seule consigne faire vite. A première vue, il semble parfaitement déraisonnable de vouloir faire tenir pareil programme entre l'aube et la nuit et pourtant, le soir venu, il se trouvera entièrement réalisé.
Le 1er Escadron est toujours en tête. Il détache le peloton STEIN au groupement HALLO de la Légion. Le reste de l'Escadron, soutenu par le peloton de T.D. LA ROCHE ; quitte PFRONDORF à 8 heures. Il traverse la jolie ville de NAGOLD, qui est fortement pilonnée par l'artillerie lourde ennemie, puis fonce plein Sud. Le village d'INSELHAUSEN est rapidement reconnu et occupé ce qui permet de libérer un grand nombre d'ouvriers étrangers. Le peloton STEIDEL repart sur GUNDRINGEN et l'enlève après avoir fait sauter un barrage antichars. Le peloton TRUCHET rejoint et, prenant la tête à son tour, atteint SCHIETINGEN qu'il prend y faisant des prisonniers.
Le tentation est grande de continuer sur cette route que talonnent des villages presque aussitôt pris qu'abordés, mais là, à l'Est, pointe le clocher du gros bourg d'HOCHDORF et il n'est pas possible de défiler en le laissant inexploré sur son flanc. Le Capitaine envoie alors le peloton STEIDEL avec un T.D. en soutien, reconnaître HOCHDORF. L'Aspirant envoie par radio le renseignement que le village semble fortement tenu. Le Capitaine alerte alors le peloton TRUCHET, toujours à SCHIETINGEN, et lui donne l'ordre de contourner l'objectif en passant par les pistes forestières du Nord, puis, les deux pelotons en place attaqueront en débouchant par surprise.
Il y a dans les carnets du Sous-Lieutenant TRUCHET un récit de l'affaire trop savoureux pour ne pas lui faire prendre la place de la narration officielle
Le 17Avril.
11h40. — Je termine avec mon peloton le nettoyage de SCHIETINGEN quand j'apprends du haut-parleur de mon 610 que STEIDEL vient de voir des Boches à HOCHDORF. Aussitôt le Capitaine m'alerte et je pars rejoindre le P.C. avec mon prisonnier cycliste.
11h45. — En route pour exécuter les ordres du Capitaine aller reconnaître le village par la gauche. Je prends la jeep du Maréchal des Logis MULLER avec moi et en avant, à flanc de coteau, dans un chemin étroit et accidenté dans un sous-bois sombre et antipathique. Nous arrivons à la lisière du bois, à 500 mètres des premières maisons. J'aperçois les Boches en train de terminer leurs travaux de défense. Sur ma droite, STEIDEL commence à tirailler. Nous sommes repérés. Ma radio ne marche plus et j'envoie chercher le reste du peloton.
11h50. — Je reçois l'ordre d'attaquer. En bataille, scout-car au centre, sur 600 mètres de front, nous nous engageons dans le terrain découvert. Mes véhicules avancent rapidement, bien alignés dans les champs, crachant le feu de leur sept mitrailleuses. Les hommes, comme d'habitude, hurlent de joie et trépignent dans leurs véhicules, ravis une fois de plus de cette charge digne de l'ancienne cavalerie. Tout à coup, la jeep de MULLER, à côté de moi, disparaît dans une grande flamme suivie d'une épaisse fumée. Trois explosions de grenades, MULLER vient de déchiqueter dans son trou le servant du Panzerfaust qui l'avait tiré et manqué à bout portant. Le scout-car réduit au silence une mitrailleuse à gauche et mon peloton s'engouffre entre deux maisons dans la brèche ainsi pratiquée.
12 heures. — Nous sommes dans la place !... Je laisse le scout-car comme point de ralliement et mes 5 jeeps se dispersent dans toutes les directions pour prendre à revers les résistances ennemies du pourtour du village. La ronde infernale du peloton commence, mitraillant et nettoyant les maisons à la grenade et à la mitraillette chaque jeep, toute seule, moteur à plein régime, affole un secteur de la défense.
Je pars pour essayer de faire une liaison avec STEIDEL. On me tire dessus d'une maison ! Je stoppe au coin d'un mur, deux grenades dans la cave, une rafale de mitraillette dans les issues, quelques coups de mitrailleuse dans les greniers pour y mettre le feu, et voilà cinq Allemands, les bras en l'air, qui sautent d'une fenêtre... Deux coups de pied dans le derrière pour leur donner la direction du centre d'accueil des prisonniers (le scout-car nous a vus) et en avant.
Une vache en rupture d'étable traverse la rue, un Boche caché derrière elle. Je la tue d'une rafale et le sixième S.S. rattrape déjà les autres an courant et en se déséquipant. Vive les armées disciplinées !...
Nous sortons du village pour essayer de rejoindre STEIDEL, mais nous sommes tirés par plusieurs mitrailleuses à la fois, de la scierie à droite, du cimetière à gauche, du village derrière.
Allez, CANITROT, fonce et fais des zigzags dans les champs !
40 milles en tout terrain Je tire à la mitrailleuse, mais nous allons trop vite. Mon garde du corps, HALOPE, assis sur les paquetages derrière, pousse des hurlements. Il n'a pas peur, mais il essaye simplement de ne pas se faire vider de la voiture dans les virages, tout en conservant sa mitraillette. CANITROT, tête baissée, appuie sur l'accélérateur et nous tournons en rond.
- Bon Dieu, ça siffle, mon Lieutenant
- Je m'en aperçois, mon vieux ! File tout droit, nous allons essayer de rentrer par là.
12h30.— Ouf ! Nous sommes de nouveau dans le village ! Nous avons au chaud, la jeep, un peu transpercée marche bien. Je regagne le scout-car où nos six S.S. sont devenus 30 avec leurs 60 bras au-dessus de la tête. Mes hommes ont bien travaillé...
L'effet de surprise a joué complètement et les Allemands, persuadés que nous sommes au moins 300, lachant pied de tous côtés. Je repars pour aller à la rencontre de mes voitures. Je parcours le village en tous sens il a l'aspect familier de toutes nos conquêtes. Il flambe tranquillement un peu partout, toutes les disponibilités en linge blanc sont aux fenêtres et, à chaque arrêt, la jeune fille blonde offre d'une main tremblante, mais soumise, la boisson au vainqueur...
13 heures. — Le peloton est rassemblé, la section portée de la Légion et le peloton STEIDEL nous rejoignent et commencent le nettoyage méthodique des maisons. HOCHDORF est pris. Le peloton n'a que 4 blessés et une jeep hors de combat. Il a tiré presque toutes ses munitions (25.000 de mitrailleuse, 10.000 de mitraillette et 100 grenades), capturé une dizaine d'armes automatiques, 30 S.S., et en a tué et blessé une vingtaine d'autres.
Le peloton est réduit à 14 hommes, noirs de poudre et de terre, avec des tenues déchirées, montés sur des véhiculas poussiéreux, transpercés, remplis de douilles et d'armes capturées.
Assis sur le capot de ma jeep, j'allume une cigarette, et, subitement fatigué, j'écoute la joie de mon peloton... (Extrait du journal de marche du S/Lieutenant TRUCHET).
De son côté, le peloton STEIDEL n'était pas resté inactif et, lancé sur le côté le plus fortifié du village, il avait d'abord eu à faire sauter une barricade avant d'accrocher l'ennemi. Là aussi, les aventures individuelles ne manquèrent pas, telle celle-ci, vécue par un sous-officier qui l'a consignée sur son journal tout en voulant conserver l'anonymat :
"11h30. Les femmes ont fini de démolir le barrage. L'Aspirant STEIDEL me donne l'ordre d'aller reconnaître entrée Nord de HOCHDORF. Je rappelle GALBAN et son équipage.
- Prends la route à plein pot et stoppe à la crête. Je te suis.
11h40. — Un coup d'œil rapide à la plaine, on aperçoit les premières maisons à 600 mètres.
- En avant jusqu'au bouquet d'arbres.
Bon Dieu ! à droite du village, sur la lisière, deux Fritz détalent et sautent dans une tranchée. Ma radio ne marche pas Je hurle pour faire arrêter GALBAN. Ma parole, il est sourd ! Et pourtant, il faut l'arrêter, sinon il va se jeter dans la gueule du loup, car il n'a rien vu.
- Vite, LLENS, fonce, rattrape-le !
Mon conducteur accélère, mais GALBAN est déjà à l'entrée du village qui est coupée par des abattis. Rien ne bouge. J'arrive à hauteur de sa jeep, et, sans m'arrêter, la dépasse en criant à GALBAN de me suivre. J'ai repéré une scierie à droite de la route, là nous serons à l'abri car l'abatti est pris sous le feu d'une mitrailleuse qui commence à nous arroser.
11h45. — Ouf mes deux jeeps sont en lieu sûr !
Tout le monde à terre, les pièces aussi.
A travers le tas de planches, MOREL arrose le taillis à 20 mètres de nous, d'où sort la flamme de l'arme automatique qui nous a reçus. FIEVET et MAGNIN tiraillent à la carabine sur les trous individuels où se cachent les Boches.
11h50. — J'en ai assez, je pars avec GALBAN pour essayer de contourner la résistance pendant que MOREL la fixe. Mais, dès que nous sortons des planches, nous sommes accueillis à coups de fusils et de mitraillettes un snipper nous prend pour cible, mais il tire mal. GALBAN trouve qu'il fait chaud, moi aussi d'ailleurs. Nous sommes bel et bien coincés dans la scierie. Et cette maudite mitrailleuse qui crache toujours. Les balles ricochent sur les planches, de drôles d'abeilles bourdonnent. Je lance quelques grenades en direction du taillis, sans résultat. Nous allons essayer le Panzerfaust.
Tiens, ça a du bon La mitrailleuse se tait. Mais ce n'est pas la seule et la fusillade redouble de tous côtés. Impossible de se déplacer autrement qu'en jouant au ver de terre.
12h30. — Le T.D. est arrivé, mais il est stoppé à 600 mètres de là. L'idiot il tire sur la scierie, sur nous. Nous voilà propres ! La scierie prend feu et nous sommes mûrs pour faire de magnifiques grillades ! Il faut prévenir le T.D. et la radio ne marche plus. Il n'y a qu'un moyen, y aller à pied mais c'est scabreux. Tant pis ! Je suis le plus proche de la route, c'est à moi de partir. Un coup de gnole et hop ! on y va. J'ai de la chance, j'atterris sans dommage dans le fossé. En avant pour une petite séance de ramping. Je préfère commander l'école du lapin que la faire moi-même. J'arrive enfin auprès de l'Aspirant et fais arrêter le tir du T.D. Pendant ce temps, GALBAN continue à s'expliquer avec le Boche qui ne veut pas démordre.
12h45. — Mes hommes sont toujours coincés et je discute ferme pour avoir un T.D. L'incendie de la scierie fait des progrès... Enfin, PLONGERON me suit. Il vient placer son char contre le talus et, presque à bout portant, azimute les salopards qui détalent dans la plaine où ils sont arrosés à coups de mitrailleuses et d'explosifs par le Capitaine et le T.D. de LUDINARD.
13 heures. — Ca y est ! Mon groupe respire, nous entrons à HOCHDORF où nous rejoignons le peloton TRUCHET qui a forcé l'entrée par la gauche. "Il fait frais à présent, me dit GALBAN " J'en conviens de bon cœur.
Ces deux simples récits montrent bien ce qu'était alors la vie du Régiment. Cette, longue énumération de localités abordées, attaquées, enlevées, dépassées au rythme le plus rapide aurait pu faire croire qu'il ne s'agissait pour nous en ALLEMAGNE que d'une sorte de chevauchée fantastique et toujours triomphante au moindre prix. A dire vrai, la réalité, pour belle qu'elle fût, était bien plus rude. L'ennemi talonné, enveloppé, morcelé, gardait cependant une grande partie de ses qualités combattives et il se défendait farouchement chaque fois que l'occasion s'en présentait et l'exemple d'HOCHDORF n'est pas une exception.
Pendant que se déroulait cette affaire, le peloton STEIN, dans le groupement HALLO, se dirigeait sur HORB. En chemin, il surprend une unité ennemi en déplacement et l'attaque aussitôt. Au cours de la poursuite à travers bois, il enlève 13 prisonniers et délivre un parachutiste français que les Allemands emmenaient avec eux. Vers midi, il pénètre dans HORB, ramasse quelques prisonniers et va s'installer immédiatement en point d'appui à la sortie pour protéger le pont sur le NECKAR. Il est intact, mais miné et le Lieutenant STEIN, avec ses pionniers s'emploie à neutraliser rapidement les fourneaux amorcés.
Ainsi, quelques heures après le départ, les objectifs fixés sur cet axe sont atteints. C'est une vie fiévreuse, trépidante mais passionnante les hommes se précipitent au combat comme à la fête et les blessés refusent de se laisser évacuer pour ne pas perdre leur place en tête, à l'honneur et au danger. S'il en faut un, de témoignage, qu'il me soit permis de citer ces lignes que le Capitaine MALAVOY écrivait ce jour-là en son journal de marche et qui rendent l'atmosphère de ces jours inoubliables :
" Depuis 12 jours, l'Escadron, toujours en tête de la Division, laisse derrière lui un long itinéraire jalonné par de nombreux incendies stigmatisant sur le terrain tous ses combats livrés à une cadence accélérée.
Mes trois pelotons, perpétuellement en action, sont tenus en haleine par leur enthousiasme et les vieilles traditions de la cavalerie renaissent. La charge, remise à l'honneur, se montre une excellente tactique dans ces terrains particulièrement favorables. Les jeeps et les scout-cars en bataille, à travers tout terrain, foncent par surprise sur la résistance ennemie. Les véhicules sont rapides, toutes les mitrailleuses crachent à une cadence accélérée, les hommes hurlent de joie en jetant leurs grenades, l'ennemi, assailli de tous côtés, est décontenancé.
Très vite le feu se déclare dans les greniers, sous l'effet des balles traceuses et incendiaires, semant la panique. Les jeeps s'infiltrent partout, tourbillonnent, harcèlent l'ennemi de toute part et rapidement occupent, victorieuses, le terrain conquis. Les rues sont parsemées de douilles encore brûlantes. La fumée acre des incendies prend à la gorge, les prisonniers hébétés sont rapidement assemblés le long d'un mur, près du P.C. La radio, fébrile, passe sur émission :
— Allô Hasardeuse (indicatif radio du Régiment), ici Gazelle ! (indicatif du 1er Escadron). Allô Hasardeuse, ici Gazelle... Nous occupons Bernard... Nous continuons sur André, nous continuons sur André... Terminé !
La population civile, timidement, sort de ses caves. Les femmes sourient aux vainqueurs et leur apportent à boire. De belles filles.., qu'il faut hélas abandonner car la guerre continue...
— TRUCHET ! STEIDEL ! En avant ! Dépêchez-vous, nous continuons !
Nouveaux ordres, nouveau départ. Quelle vie intense que la nôtre ! Pas une minute de répit, ni pour le corps, ni pour l'esprit...
— Allô Chevreuil, ici Gazelle en personne, m'entendez-vous, répondez !
— Allô Gazelle, ici Chevreuil, je vous écoute.
— Allô Chevreuil, ici Gazelle, attaquez
(Extrait du journal de marche du Capitaine MALAVOY).
Une fois de plus, tous les éléments du 8e R.C.A. ont rivalisé d'audace, afin de s'installer pour la nuit, le plus loin possible de leur point de départ. Le peloton de T.D. SOUDE, dans le sous-groupement BOILEAU, arrive au soir à ALTHEIM pour aujourd'hui, il est battu de plusieurs longueurs par STEIN. Et, à l'Ouest, au cœur de la FORET-NOIRE, le 4e Escadron entre dans FREUDENSTADT en flammes.
Cette chute était prévue. Depuis que le peloton STEIN avait enlevé les ponts de CALW intacts, depuis que le premier Escadron et nos pelotons de T.D. s'étaient enfoncés comme une flèche, au cœur du dispositif ennemi et avaient menacé de le couper totalement en deux en arrivant à HORB, la situation à l'Ouest était devenue intenable. Le commandement ennemi avait donc fait retraiter vers TUBINGEN et le JURA SOUABE tout ce qu'il pouvait encore atteindre et commander, le point fort de PFORZHEIM servant de pivot. Mais cette manoeuvre avait ouvert un trou à chaque instant plus large et béant entre la plaine de BADE et les vallées du NECKAR et de la NAGOLD. C'est ainsi que FREUDENSTADT qui, primitivement, d'après l'ordre du 13 Avril, devait être défendu à tout prix, a dû être abandonné trois jours plus tard. Le Volksturm essaye alors de prendre à son compte la défense de ce carrefour vital, il ne fait que provoquer une action combinée de l'aviation et de l'artillerie française, transformant en quelques minutes une grande partie de cette délicieuse station de montagne, en un brasier croulant.
La journée est importante. Toutes les Divisions de la 19e Armée restées en plaine de BADE, voient leurs communications avec l'arrière définitivement coupées, il ne leur reste qu'à se faire écraser ou à se rendre. De plus, toute menace pesant sur STRASBOURG est écartée les canons lourds qui depuis OBERKICH, bombardaient la capitale de l'ALSACE sont réduits au silence, la route est ouverte à toutes les forces du 1er C.A. du Général BETHOUART, réuni devant KEHL, et cette masse de manœuvre va pouvoir par surprise, franchir le RHIN et se porter d'un bond sur le HAUT-NECKAR, où, deux jours après, elle pèsera de tout son poids sur la destinée malheureuse des restes de la 19e Armée.
Là-bas, au cœur du WURTEMBERG. les gars du 8e Chasseurs, heureux de leurs succès, ne se doutent pas que leur fougue a permis la réalisation de la première partie du plan offensif français et que leurs efforts ont eu une influence décisive sur la victoire finale qui a vraiment pris corps ce jour-là. Fatigués, rompus ils passent la nuit sur les positions conquises tandis que le P.C. se porte à OBERTALHEIM et que le 2e Escadron vient tenir ROTFELDEN, WILDBERG et EMMINGEN.
La journée du 18 Avril est consacrée à une sorte de réorganisation sur place, ce qui ne veut pas dire repos, car l'artillerie allemande se fait entendre assez fréquemment et le 1er Escadron perd un tué et deux blessés au cours d'un mitraillage par avion. A HORB, le peloton STEIN s'emploie à empêcher l'ennemi de se réinstaller sur la rive droite du NECKAR et il faut, dans la soirée, lui envoyer le peloton STEIDEL en renfort. Pour les reste du Régiment, il n'y a rien à signaler, sinon que le 4e passe la journée à FREUDENSTADT et que le 2e se regroupe à ROTFELDEN. On ne s'enfonce pas ainsi pendant plusieurs jours dans le dispositif adverse sans être obligé, à un moment quelconque, de s'arrêter pour permettre aux liaisons et au ravitaillement d'étaler un peu plus des distances devenues trop grandes. Mais le calme relatif de cette journée n'est que le prélude à une nouvelle action en force. Dans la nuit, en effet, les Capitaines commandants, appelés au P.C. du Colonel SIMON, apprennent que le Régiment quitte la 5e D.B. pour passer à la 2e D.I.M. et que, abandonnant la direction Sud, ils vont avoir à attaquer franchement face à l'Est. En effet, aussitôt le RHIN franchi à KEHL par le 1er C.A., le commandement Français a décidé d'engager les actions décisives qui aboutiront à la destruction et à l'anéantissement de la 19e Armée. Il s'agit, dans le secteur qui nous intéresse, d'encercler STUTTGART, d'enlever la ville en raflant du même coup toutes les Divisions allemandes, prises comme au filet dans une vaste poche. L'ordre précise qu'il faudra marcher et combattre de jour et de nuit sans laisser à l'adversaire une minute de répit.
Pendant que le 4e Escadron reste à FREUDENSTADT et que le 2e se porte à TUBINGEN qui vient de tomber entre nos mains, l'affaire va être menée par les 1er et 3e Escadrons. En tête, le peloton STEIDEL passe à KUPPINGEN et reconnaît OBERJESSINGEN qu'il enlève et où il est rejoint par le peloton STEIN et le peloton SOUDE. En même temps, le peloton LA ROCHE atteint EHNINGEN et le peloton BORDIER NUFRINGEN, bordant au Nord-Est de HERRENBERG la voie ferrée se dirigeant sur BOBLINGEN. Puis le peloton STEIN, se rabattant vers le Nord est chargé de reconnaître DECKENPFRONN. Il s'engage dans un terrain découvert. Les trois jeeps de tête approchent, sans la voir, d'une résistance bien enterrée et camouflée qui subitement ouvre le feu à courte distance ; et tout le peloton est cloué sur place par un barrage particulièrement dense de BREDA et de mortiers. Les chasseurs PLANTARD, AZIL et ALI sont tués, les chasseurs BOUGUET, LEMOINE blessés. Celui-ci, malgré sa blessure, réussit à ramener la jeep de son chef de peloton restée sans conducteur et la reste du peloton se replie aux premières maisons du village, laissant sur place les trois premières jeeps impossibles à atteindre. Le chasseur BOUGUET est fait prisonnier.
Pendant que les hommes demeurés valides s'installent en point d'appui, le peloton TRUCHET, resté à UNTERJETTINGEN, est appelé en renfort et il arrive en même temps qu'une section d'infanterie cependant que les mortiers allemands continuent à s'abattre sur le village dont les toits s'en vont peu à peu. Avant la nuit, le Capitaine MALAVOY envoie le peloton TRUCHET tâter les bois qui s'étendent à l'Est d'OBERJESSINGEN ; il se heurte à des éléments ennemis avancés, fait un prisonnier et rentre.
Le détachement LAVAULT est venu occuper KUPPINGEN où le P.C. du Colonel s'installe dans la soirée.
Dès le matin du 20, les deux sous-groupement de CASTRIES et LAVAULT essaient de déboucher, le 1er en direction de DAGERCHEIM, le second en direction de DECKENPFRONN, mais la résistance qui couvre ce dernier village est inabordable de front. Laissant alors sur place pour défendre le point d'appui, le peloton STEIN, le peloton de T.D. SOUDE et l'infanterie qui continue à arriver le Capitaine MALAVOY part au jour pour essayer de progresser par les bois de GARTRINGEN avec les pelotons TRUCHET, STEIDEL et deux chars légers. Le premier tente une fois encore, de reconnaître DECKENPFRONN dont il s'est approché sous le couvert de la forêt. A 500 mètres de la lisière, en plein découvert, le peloton est pris de flanc par des tirs de Bréda. La jeep de tête est détruite, le chasseur HALOPE, grièvement blessé, reste sur le terrain tandis que le Sous-Lieutenant TRUCHET avec sa 2e jeep et son scout car, réussit à se replier, sous le feu, à l'abri des bois.
Pendant qu'un T.D. est demandé à OBERJESSINGEN, le Maréchal des Logis MULLER avec 4 volontaires part rechercher le chasseur HALOPE. Ils réussissent à le ramener malgré la violence du tir ennemi, mais le Maréchal des Logis MULLER et le chasseur CANITROT sont blessés à leur tour.
Le T.D. est arrivé. Le Sous-Lieutenant TRUCHET, qui s'est livré à une observation minutieuse du terrain, signale que la résistance de DECKENPFRONN se prolonge vers l'Est par une ligne de crêtes fortement tenues. Le T.D. exécute alors, sur ses indications, de nombreux tirs sur des nids de mitrailleuses, pendant que le peloton se fortifie à l'orée des bois. Pour parer à une situation qui, étant donné la force de l'ennemi, peut devenir grave d'un moment à l'autre, le peloton STEIDEL organise des bouchons sur les layons avec les chars légers en soutien et le P.C. du Capitaine.
Dès le début de l'après-midi, les pelotons TRUCHET et STEIDEL signalent des infiltrations ennemies dans les bois ; à ce moment également arrivent en renfort le peloton porté du Sous-Lieutenant COSTER et une section d'infanterie, et le Capitaine MALAVOY, qui a ordre de tenir la forêt, regroupe ses éléments en trois points d'appui plus solides et moins isolés.
Quelques heures après, la situation devient beaucoup plus confuse. L'ennemi abandonne sa position défensive et passe à l'attaque. En effet, l'investissement de STUTTGART est terminé et, pour ne pas être prises, un certain nombre d'unités vont essayer de rompre le cercle fragile qui les entoure pour gagner le Sud. Vers 17 heures, le Médecin-Lieutenant HUCHET qui était avec la base de l'Escadron à KUPPINGEN, vient prévenir qu'aussitôt après le départ du P.C. du Colonel en route pour GARTRINGEN, l'ennemi s'est infiltré aux abords du village qu'il menace. La situation évolue rapidement et d'une façon alarmante ; OBERJESSINGEN est encerclé, le Brigadier-Chef ZUBER, qui y était resté, vient d'arriver à pied en apportant la nouvelle. A KUPPINGEN, il n'y a plus de troupes et les réserves sont loin ; il n'y reste que le dépannage du 1er Escadron, avec l'ambulance. Le Chef-Dépanneur MARTINET, en liaison au P.C. de son Capitaine, apprenant cela, part avec son conducteur GENTIL et le Maréchal dés Logis MULLER pour récupérer ces éléments. En entrant dans le village, il tombe sur les Allemands qui l'y ont précédé, saute de sa jeep, revolver au poing, tue le premier ennemi et tombe lui-même mortellement atteint d'une rafale de mitraillette. Le chasseur GENTIL est lui aussi tué, tandis que le Maréchal des Logis MULLER, après avoir abattu un Allemand qui se jetait sur lui, réussissait à se cacher dans une maison. Le chasseur VERICEL avait pu se replier quelques instants plus tôt, emmenant avec lui les éléments de dépannage. Seul, le chasseur CAILLETTE, blessé, était fait prisonnier. L'Adjudant MAVERAUD, envoyé avec un scout-car pour arrêter le Chef MARTINET dans sa téméraire entreprise, arrive trop tard et ne peut même pas aborder KUPPINGEN.
A la tombée de la nuit, la situation s'aggrave encore. Ordre est donné au 1er Escadron et aux éléments qui l'accompagnent de quitter leur position devenue particulièrement malsaine et de se replier sur GARTRINGEN dont on organise la défense. Le P.C. du Colonel a dû, lui aussi, quitter ce village vers 21 heures, pour se porter à ROHRAU. Le Colonel établit trois points solidement tenus ROHRAU, NUFRINGEN, GARTRINGEN. Le 4e Escadron, à peine arrivé de FREUDENSTADT, quitte OSCHELBRONN et essaie de reprendre KUPPINGEN sans y parvenir et il a un T.D. atteint par un perforant cependant que l'artillerie française pilonne durement le village.
A 3 heures du matin, le 21 Avril, le 1er Escadron est alerté. L'ennemi a continué sa progression de nuit et attaque NUFRINGEN qu'il encercle. L'Escadron tout entier avec un peloton de T.D. et un peloton de chars légers gagne ROHRAU où le P.C. du Colonel est menacé. Le peloton STEIDEL s'installe en défensive à la sortie Ouest, tandis que les pelotons TRUCHET et STEIN partent vers NUFRINGEN pour essayer de reprendre la liaison avec les éléments qui y sont enfermés. La nuit est d'un noir d'encre, l'artillerie, fait rage, les tirs d'encagement amis tombent à l'intérieur des lignes, si tant que l'on puisse parler de lignes, puisque dans toute la région, troupes françaises et troupes allemandes se trouvent inextricablement enchevêtrées. Ne connaissant absolument pas le terrain, le Sous-Lieutenant TRUCHET arrête son peloton et part à pied avec le Brigadier-Chef CHEVALIER pour reconnaître la route. Il tombe sur l'ennemi qui traverse celle-ci en direction des bois de ROHRAU. L'obscurité est si épaisse qu'il est impossible de discerner quoi que ce soit. Seul le bruit permet de deviner ce qui se passe. Des hennissements de chevaux, des crissements de chenilles, le roulement sourd de l'artillerie tractée, le piétinement confus de l'infanterie, tout cela se mêle en un brouhaha indescriptible. Le Sous-Lieutenant TRUCHET est, sans le savoir, au contact de la flanc-garde de cette invraisemblable colonne.
A ce moment, l'artillerie allonge son tir et les obus viennent tomber à hauteur de l'Escadron. Les pelotons TRUCHET et STEIN sont obligés de se replier de quelques centaines de mètres, puis tout le monde, dans le silence le plus complet se met en place et attend le moment favorable pour passer à l'action.
Pendant ce temps, les éléments du P.C., qui voulaient se rendre à HERRENBERG par les bois, sont attaqués par les Allemands. Ce fut une mêlée confuse où, dans l'obscurité rendue plus épaisse par la flamme des carabines et les rayons lumineux des balles traceuses, tous, du Chef de colonne au dernier secrétaire, firent le coup de feu autour de leurs voitures. Finalement, l'ennemi persuadé qu'il a affaire à forte partie, se retire et la colonne de l'Etat-Major se rend à GARTRINGEN en passant par EHNINGEN.
Et voici que le jour commence poindre, permettant d'utiliser ses armes de façon efficace. Le peloton TRUCHET est installé sur la route, le peloton STEIN en bataille à gauche, le peloton de T.D. embossé aux lisières du village, le peloton de chars légers patrouille en avant. Et subitement, tous ensemble ouvrent le feu sur l'ennemi qu'ils prennent de flanc. Soudaineté de l'attaque, densité et précision terrible des feux, tout contribue à provoquer chez l'adversaire une panique générale. Les Allemands s'enfuient en désordre, abandonnant sur place leur matériel et poursuivis par les gerbes lumineuses des balles traceuses, par les points d'impact des obus de T.D. tirant rageusement à une cadence terrible. Des hommes et des hommes tombent, des chevaux emballés, traînant derrière eux leurs voitures sans occupants, foncent en tous sens dans la campagne et le soleil, qui se lève, éclaire une scène de carnage affreuse. Tandis que peu à peu mitrailleuses et canons se taisent, on entend plus distinctement les hurlements de douleur des centaines de blessés jonchant le sol.
A la même heure, le 2e Escadron, aidé du 151e R.I., reprenait KUPPINGEN, AFFSTATT et OBERJESSINGEN, capturant une énorme quantité de personnel et de matériel. Dans le seul village de KUPPINGEN, l'ennemi laissait entre nos mains 10 pièces de 88 de campagne.
Le calme revenu, on put, en interrogeant les prisonniers et en reconstituant les heures vécues dans la confusion, réaliser exactement ce qui s'était passé. Devant la menace d'encerclement, le commandement allemand avait décidé de forcer le passage de la NAGOLD à hauteur de WILDBERG, de bousculer les arrières français pour tenter de gagner la région de ROTTWEIL et peut-être l'illusoire réduit bavarois. La manœuvre, qui avait débuté le 19, échoue ce jour là. Elle va être aussitôt reprise en un autre point, cette fois en direction d'HERRENBERG. L'attaque, comme on l'a vu, connaît d'abord un plein succès. KUPPINGEN pris, OBERJESSINGEN encerclé, AFFSTATT menacé, la journée du 20 est bonne et la nuit permet presque d'atteindre la phase décisive, NUFFRINGEN est atteint ainsi que les abords d'HERRENBERG et le bruit se répand que la percée est faite. Aussitôt tous les restes d'unités cachées dans les bois se mettent en route pour profiter du passage ouvert et c'est ainsi que se forma cette immense colonne hétéroclite dans les rangs de laquelle notre artillerie et nos Escadrons firent de si cruels ravages. Deux Divisions ont été anéanties.
Si nos hommes et leurs chefs n'avaient pas gardé un sang-froid inaltérable, si les Allemands avaient eu plus de mordant, s'ils avaient pu se douter de la faiblesse des forces qui leur barraient la route, s'ils avaient deviné que, derrière un mince rideau d'unités aventurées loin de leurs bases, il n'y avait strictement rien, l'affaire se serait terminée en désastre pour le 8e R.C.A. dont le P.C., Colonel en tête, pouvait être enlevé et les Escadrons décimés, dispersés.
L'affaire avait donc été chaude. Et voici que, peu à peu, les disparus rentrent dans nos lignes et regagnent leurs Escadrons. Le Sous-Lieutenant de CHALAIN, de l'Etat-Major, le Maréchal des Logis NIEUDAN du 3e le chasseur BESSODES de l'Etat-Major, arrivent sales, poussiéreux, dépouillés.. Après leur capture, ils avaient été emmenés et avaient du parcourir sans casque une longue route sous les tirs de l'artillerie française, sans même l'autorisation de se coucher quand les Allemands se jetaient dans les fossés ; aussi, profitant d'un matraquage plus violent, avaient-ils faussé compagnie à leurs gardiens. A KUPPINGEN, le 2e Escadron retrouvait vivant le Maréchal des Logis MULLER, qui avait dû caché dans un grenier, essuyer toute la nuit le pilonnage ami, et relève les cadavres du Chef DUQUESNE du 3e, du Chef MARTINET du 1er et du chasseur GENTIL du 1er également. Après eux reparurent le chasseur BOUGUET blessé et disparu depuis le 19 et le chasseur CAILLETTE qui, emmené de KUPPINGEN, avait dû, malgré sa blessure, porter un tube de mortier et avait défilé devant son Escadron avec la colonne que celui-ci avait décimée.
Va-t-on avoir la possibilité de souffler un peu après ces deux jours pénibles ? Non pas, car la victoire est en marche et c'est une maîtresse exigeante qui convie impérieusement tout le monde à ses rendez-vous. Dans la soirée du 21, le Général commandant la Division prescrit de se tourner à nouveau vers le Sud et de se diriger aussi vite que possible vers le DANUBE. Pour cette opération le 8e R.C.A. en entier passe aux ordres du groupement NAVARRE et il se voit fractionné en deux sous-groupements :
le sous-groupement SIMON, élément de tête qui comprend les 1er et 2e Escadrons, plus un Escadron du 4e R.S.M. et une Cie de Chasseurs cyclistes,
le sous-groupement de CASTRIES où entre une partie du 3e Escadron.
Départ dès l'aube du 22. Après avoir franchi le NECKAR à TUBINGEN, la vieille cité universitaire qui mire ses maisons à pignons et ses jardins dans le cristal de la rivière, le sous-groupement SIMON, par DINGLINGEN et NEHREN, arrive à MOSSINGEN où s'établit le P.C. ; l'avant-garde, aux ordres du Capitaine BOUCHARD, est arrêtée à 3 km en avant par une ligne de résistance accrochée aux premiers contreforts du JURA SOUABE. Pour aller plus vite, le 1er Escadron assure le transport de l'infanterie qui monte à l'attaque. Aidé de deux Bataillons du 5e R.T.M., l'échelon de tête, après une journée de durs combats, réussit le soir à enlever le village de TALHEIM et, par la route étroite, aux virages en épingles à cheveux qui, par les bois, dominant le village aboutit au plateau, débouche à la nuit sur celui-ci. L'affaire a été rude, car l'ennemi s'est défendu pied à pied, utilisant à merveille un terrain propice à la défensive, battant de feux denses et précis les coupures de la route et concentrant ses efforts sur cette espèce d'étroite porte naturelle donnant accès au plateau où de nouveau nous pourrons nous déployer dangereusement pour lui. N'eût-été la fougue et le mordant de nos troupes, nous risquions de piétiner longtemps devant un verrou solide.
Pendant ce temps, le peloton STEIDEL allait prendre liaison avec le sous-groupement de CASTRIES à OFTERDINGEN et le peloton STEIN reconnaissait BELSEN où aboutissait le soir le peloton LA ROCHE du 3e Escadron. Le reste du 3e a passé la journée en réserve de groupement à DUSSLINGEN et le 4e à HERRENBERG.
Le 23 au petit jour, la ligne de résistance cède totalement et le groupement exploite immédiatement. Il passe derrière l'avant-garde à TALHEIM sous une véritable pluie d'obus de mortiers, puis, se déployant rapidement, arrive à SALMENDINGEN où tous les membres du Volksturm sont arrêtés avant d'avoir pu offrir une résistance sérieuse et où s'installe le P.C. du Colonel. Puis le 1er Escadron va rejoindre les éléments de tête et renforcer le point d'appui établi à RINGINGEN en flammes. Une reconnaissance qui devait aller explorer BURLAFINGEN avant la nuit, est fortement accrochée au Nord de cette localité et perd deux scout-cars par antichar. Le soir tombe, chacun s'installe en défensive pour passer la nuit au cours de laquelle d'actives patrouilles feront des prisonniers.
Et le reste du Régiment s'échelonne sur la longue route déjà parcourue la veille, afin d'assurer la sécurité des arrières. Le 3e Escadron occupe MOSSINGEN et le 4e OFTERDINGEN, pendant que la Base vient cantonner à WURMLINGEN, près de TUBINGEN. Cette précaution d'assurer la sécurité en profondeur n'est pas vaine, puisque le peloton d'approvisionnement, à plus de vingt km à l'arrière de la ligne de feu, capturera 14 prisonniers dans les bois entourant le village de WENDELSHEIM après un bref échange de coups de carabine.
Le 24, c'est le 1er Escadron qui part en tête des éléments de l'avant-garde. Il a pour mission d'atteindre aussi rapidement que possible BURLADINGEN, en passant par les pistes forestières de l'Ouest, afin de déborder la résistance qui n'a pu être forcée la veille au soir, si elle est encore en place. Le peloton STEIDEL entre dans le bourg à 7 heures du matin et le nettoie sans perdre un instant. Puis la radio apporte au Capitaine MALAVOY l'ordre de se porter à toute vitesse sur SIGMARINGEN, à près de 30 km de là. Mais ce n'est pas une considération capable d'arrêter des gens qui veulent vraiment aller de l'avant.
A 10 heures, FREUDENWEILER est occupé et le peloton STEIDEL reconnaît NEUFRA. L'ennemi se replie rapidement sans même tenter de véritable résistance ; les prisonniers se présentent d'eux-mêmes et l'un d'eux, boiteux, a réquisitionné pour venir se faire prendre, un immense tracteur conduit par un paysan. Le bruit du moteur et des chenilles l'a fait prendre de loin pour un char et tout le monde s'est trouvé en alerte. Puis c'est HARTHAUSEN qui est atteint, VERIGENSTADT où un bref engagement laisse 10 prisonniers entre nos mains, et, à 16 heures, le 1er Escadron entre dans la ville historique de SIGMARINGEN, établit la liaison avec la 1ère D.B. et s'installe pour la nuit en point d'appui, à la sortie Est. Les gars de l'Escadron de reconnaissance ne cachent pas leur fierté d'être les premiers de la Division à s'établir sur la rive du DANUBE.
Le Colonel, qui suit au plus près, installe peu après son P.C. dans le magnifique château des princes de HOHENZOLLERN. Le Capitaine LE HAGRE annexe à son usage personnel l'appartement du Maréchal PETAIN. Des documents appartenant à Messieurs LAVAL, de BRINON et LUCHAIRE sont recueillis et adressés au 2e Bureau. Cependant qu'un vieux majordome, en livrée somptueuse, resté à son poste, et paraissant descendu tout vivant d'un pastel du 18e siècle, sert ses nouveaux maîtres avec la hautaine indifférence qu'il avait sans doute apportée à servir les anciens. Étrange apparition que celle de ce vieillard en culotte et bas de soie, s'empressant près de modernes guerriers casqués et poudreux.
24 Avril : jour faste, le Général de LATTRE télégraphie ce même soir au Général commandant la 2e D.I.M. : "Pour tous, Chefs et Troupes sous vos ordres, mes plus fervents compliments, mon admiration et ma gratitude pour les magnifiques exploits réalisés aujourd'hui".
Le résultat, en effet, est d'importance. La 1ère D.B., qui a passé le RHIN à KEHL, après avoir gagné le HAUT-NECKAR, s'est rabattue le long du DANUBE, et, parcourant 150 km en deux jours, s'est emparée de tous les passages sur le fleuve, pour venir hisser, le 24 à midi, nos couleurs sur la cathédrale d'ULM, 140 ans après les soldats de la Grande Armée. Toutes les forces ennemies du JURA SOUABE sont prises à revers et la 2e D.I.M.. dont le 8e Chasseurs constitue l'avant-garde blindée, a parachevé l'anéantissement ennemi en coupant en deux, par une avance foudroyante, l'immense poche formée au Nord du DANUBE.
Si l'action la plus spectaculaire a été réservée au 1er Escadron, arrivé en tête en fin de course, les autres ne sont pas, pour autant, restés inactifs ; le 2e, après avoir, lui aussi, atteint le DANUBE, a traversé le fleuve et s'est avancé jusqu'à KRAUCHENWIES à 8 km au Sud, mais trop isolé, il doit se replier pour la nuit sur SIGMARINGEN ; le 3e, dans le sous-groupement de CASTRIES, après avoir traversé BITZ et WINTERLINGEN, détache deux pelotons de T.D. à LAIZ, à 2 km à l'Ouest de SIGMARINGEN car tout le monde veut être au rendez-vous sur le fleuve au nom prestigieux, évocateur de victoires, de musique, de chansons, d'amour et de gloire. C'est du reste, pour tout le monde, une désillusion ; le fleuve n'est qu'une maigre rivière roulant mélancoliquement un flot grisâtre dans une vallée extrêmement pittoresque ; où sont donc les flots bleus au bord desquels amour est un enchantement et la valse une nécessité ? Quant au 4e Escadron, esclave de sa mission, il reste seul en arrière, explorant et occupant la région et la ville de HECHINGEN.
Mais la progression rapide n'a pas permis le nettoyage le plus élémentaire du terrain ; aussi, dès le 25 au matin, tout le Régiment se déploie en un immense éventail autour de SIGMARINGEN. Le 3e Escadron est lancé dans le flanc droit de la 47e D.I. allemande, par JUNGNAU, VERINGENSTADT, INNERINGEN, il atteint HULDSTETTEN ramassant des prisonniers et détruisant du matériel, dont un canon de 88 au compte du peloton SOUDE ; le peloton BORDIER lui, par BINGEN, s'étend jusqu'à ZWIEFALTENDORF, ramasse une centaine de captifs et se rabat pour la nuit sur RIEDLINGEN.
A l'Ouest, le 1er et le 2e Escadron exécutent, dans la matinée, les mêmes opérations de ratissage dans la région de STETTEN, SCHWENNINGEN, IRRENDORF, BARENTHAL. Ravissant pays, tout coupé de forêts ; sorte de plateau élevé, entaillé de nombreuses vallées étroites descendant vers le DANUBE ; région idéale pour se cacher, s'infiltrer, et où de nombreux groupes allemands isolés cherchent à passer pour gagner le Sud et le refuge des ALPES autrichiennes. Le 1er Escadron ramène une trentaine de prisonniers et rentre à SIGMARINGEN en faisant le tour par TUTTLINGEN.
Dans l'après-midi, l'ensemble du Régiment se dirige vers l'Est, pour se concentrer autour de RIEDLINGEN. Au cours de ce mouvement, le Lieutenant DUPRAT fait prisonniers 3 officiers allemands. Et, à ce propos, il faut remarquer qu'il n'est plus douteux pour personne que l'Armée allemande ne soit en pleine décomposition. Quelques rares captifs. fanfaronnent encore, conservant une sorte de dignité raidie, un espoir fanatique en un revirement final que rien du reste ne saurait plus expliquer, les autres s'en vont vers les camps de prisonniers par files compactes, tenant parfois plusieurs kilomètres de route, las, abrutis, conduits par leurs propres officiers et escortés par une poignée de gardiens ridiculement insuffisants. Le tragique spectacle offert par l'Armée française en 1940, voici qu'à son tour l'Armée allemande le donne à ses compatriotes, au cœur de provinces inviolées depuis plus d'un siècle.
Dans la nuit, l'installation se fait autour de RIEDLINGEN. Ce sont les premières troupes françaises qui pénètrent dans la région et toute la population est endormie. Nos postes feront prisonniers, par surprise, des hommes et des officiers ignorant totalement notre présence dans la ville.
Au matin du 26, le Régiment quitte la 2e D.I.M., pour êre remis à la disposition de la 5e D.B. Il se regroupe tout entier à SIGMARINGEN, sauf le 4e Escadron qui passe directement aux ordres du C.C. 6 et participe à l'opération de nettoyage du bord Est de la poche de la FORET-NOIRE, en s'emparant de IMMENDINGEN et des villages environnants. Il eût été dommage que le 8e Chasseurs, après avoir été de toutes les batailles de destruction, ne prît pas part à celle-là où tout le 18e Corps d'Armée S.S., fort de 4 Divisions avec une nombreuse artillerie automotrice, se trouva anéanti. Pris au piège par la rapidité de nos mouvements enveloppants et complètement encerclé, il tente en effet ce jour-là de s'ouvrir un passage dans le barrage dressé devant lui. L'opération se soldera par des milliers de tués et plus de 15.000 prisonniers.
Après 25 jours de campagne en terre allemande, six Divisions françaises ont conquis deux Etats BADE et WURTEMBERG, franchi le RHIN et le DANUBE, détruit ou capturé en entier les neuf Divisions qui leur étaient opposées. Les prisonniers atteignent le chiffre de 90.000 dont 7 Généraux et la fameuse 19e Armée, poursuivie sans trêve ni répit depuis les côtes de PROVENCE, a cessé d'exister. A l'horizon, sous la neige qui commence à tomber, se profilent les cimes des ALPES autrichiennes et bavaroises.
Le 8e Chasseurs a eu sa bonne part dans cette gerbe de succès. Au soir de ce jour, le Général de LINARES, Commandant la 2e D.I.M., lui adresse l'ordre du jour suivant :
"Au moment où le 8e R.C.A. cesse d'être placé sous mes ordres, je suis heureux d'adresser au Colonel SIMON mes remerciements et mes félicitations pour le magnifique travail accompli.
En vingt jours, de PFORZHEIM à SIGMARINGEN, en passant par FREUDENSTADT, vous avez parcouru plus de 250 kilomètres, dont toute une partie à travers les contreforts de la FORET-NOIRE, au prix de difficultés innombrables. A HERRENBERG, grâce à votre intervention efficace, une situation compromise a pu être rapidement rétablie. Vous vous êtes emparés de plus de cent localités et vous avez capturé plusieurs centaines de prisonniers.
Ces actions brillantes, réalisées grâce à l'habileté des Chefs et à l'audace de la troupe, constitueront une nouvelle page de gloire à l'histoire du 8e R.C.A.".
Après une journée de repos à SIGMARINGEN, le mouvement reprend le 28 et la plus grande partie du Régiment se porte, sans combat, à MESSKIRCH et aux environs ; la neige, tombant à gros flocons, redonne une physionomie hivernale au paysage et surprend tout le monde après les délicieuses journées de printemps vécues en FORET-NOIRE ou dans la plaine du WURTEMBERG. Le 29 n'apporte aucun changement ; la 5e D.B. a amorcé une manœuvre pour contourner le lac de CONSTANCE par l'Est, mais, jusqu'à présent, le 8e R.C.A. n'y participe pas. C'est tellement inhabituel que cela ne peut pas durer.
De fait, le 30 Avril, sous une neige épaisse, tout le Régiment, sauf le 4e Escadron restant à MESSKIRCH, fait un bond jusqu'à WANGEN in ALLGAU qui vient d'être pris. Il s'agit pour lui de renforcer 4e D.M.M. qui entre en AUTRICHE par la montagne. Dans la soirée, le P.C. se porte à LINDENBERG, en BAVIERE, à proximité immédiate de la frontière. Le Colonel SIMON vient de prendre en effet le commandement d'un groupement comprenant le 8e Chasseurs et une partie du 1er R.E.C. aux ordres du Chef d'Escadrons LENNUYEUX. Et, ce même soir, des éléments du 3e Escadron, poussés immédiatement en avant entrent en AUTRICHE. Ainsi, 28 jours après avoir franchi la frontière allemande à LAUTERBOURG, après 4 semaines jour pour jour, le 8e Chasseurs avait traversé en diagonale le Sud-Ouest de l'ALLEMAGNE et pénétrait en vainqueur sur une nouvelle terre étrangère.
Il neige désespérément, et nos T.D. peinent sur les pistes de montagne où ils s'enlisent ; néanmoins, dès le lendemain 1er Mai, nos éléments atteignent LANGEN, cependant que le reste du Régiment stationne à WANGEN. Le 2, le 1er Escadron s'installe à LINDENBERG ; le Capitaine, parti en liaison au P.C. du Colonel, ramasse en route deux prisonniers ; le 2e Escadron demeure à WANGEN, le 3e à LANGEN, tandis que le 4e pousse aussi loin qu'il peut en direction de LANGENEGG, en plein massif du REGENZERWALD. Mais les destroyers, enfonçant dans la neige et la boue, s'immobilisent les uns après les autres ; les pistes s'effondrent sous les 30 tonnes de leur blindage ; malgré l'envie de forcer l'ennemi dans son dernier repaire du VORARLBERG, il faut stopper et laisser ce soin à l'infanterie et aux unités de Cavalerie qui ont la chance de disposer de la grand'route de BREGENZ à INNSBRUCK. Le soir même, l'ordre arrive au P.C. de regrouper tout le Régiment à WANGEN.
Il s'exécute le lendemain, sauf pour le 4e Escadron qui continue à pousser des reconnaissances en pleine montagne, avec l'aide du peloton STEIN travaillant à rétablir des pistes pour le passage des T.D. Mais à quoi sert l'obstination devant l'impossible ? La nature du terrain interdit toute progression et l'ordre supérieur est formel, il faut rétrograder et, le 4 Mai, au matin, sous une pluie torrentielle, tout le 8e Chasseurs, y compris la base, se trouve réuni à WANGEN.
La guerre serait-elle finie ? Nous n'avions pas envisagé cette éventualité sous un jour aussi prosaïque. Ne devait-ce pas être plutôt une ultime charge sur un ultime carré ? Eh bien non ! Dans les confortables villas allemandes qui nous hébergent, c'est la radio qui, heure après heure, nous apprend les derniers émiettements de ce que fut, il y a quelques années, la plus puissante machine de guerre du monde. Pendant 3 jours consécutifs, inactifs et impatients, dans cette ville charmante où tout est devenu sourire pour nous, sous le soleil brusquement revenu qui fait étinceler tout proches les sommets neigeux de la haute BAVIERE et éclore dans les jardins une prodigieuse floraison, nous promenons notre ennui et notre attente. Non, ce n'était pas ainsi que nous avions désiré être vainqueurs. On ne l'est pas vraiment quand on apprend une capitulation, enfoncé dans un fauteuil profond, on l'est quand, le champ de bataille resté vide, on remet son épée au fourreau. La guerre moderne aura donc banni toute poésie, même de la victoire.
Enfin, le 7 Mai, à 10h10, arrivait le fameux message : "Par ordre du Gouvernement Français, confirmé par les Autorités Alliées, les hostilités cessent en ALLEMAGNE et sur tous les fronts à 1h40 le 8 Mai 1945. Les opérations offensives doivent cesser dès maintenant. Les mouvement ayant trait à l'occupation continuent".
Et cette nuit-là, à 0h50, alors que l'historique capitulation sans conditions devenait une réalité, les équipages de tous les T.D. et de tous les véhicules de combat du 8e Chasseurs, déchaînaient une dernière fois le tonnerre de leurs canons et de leurs mitrailleuses. Il ne fallait pas moins que la voix puissante de l'acier, l'éclair ardent de la poudre, pour matérialiser l'allégresse des cœurs, illuminer l'aube nouvelle après ce tragique crépuscule des Dieux et saluer dignement la gloire enfin revenue s'abriter, comme en un asile familier, aux plis de nos Etendards.
8ème REGIMENT DE CHASSEURS D'AFRIQUE
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ETAT MAJOR : Lt-Col SIMON |
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MF 2570 R |
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PELOTON HORS RANG : |
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1er ESCADRON : |
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MF 2571 R |
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2ème ESCADRON : Cne de la MORSANGLIERE |
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MF 2572 R |
M 10 |
MANGA |
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M 10 |
DAOLA |
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M 10 |
MANOA |
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M 10 |
MANOA II |
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M 10 |
GAOUA |
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M 10 |
OUAGADOUGOU |
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M 10 |
KOUDOUGOU |
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M 10 |
FERKESSE |
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M 10 |
DIEDOUGOU DOUGOU |
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M 10 |
BOBO-DIOULASSO |
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M 10 |
BOBO-DIOULASSO II |
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M 10 |
DINDERESSO |
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M 10 |
DINGASSO |
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M 10 |
DINGASSO II |
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M 10 |
DINGASSO III |
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M 10 |
SIKASSO |
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M 10 |
SIKASSO II |
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3ème ESCADRON : Cne BREUIL |
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MF 2573 R |
M 10 |
COBRA |
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perdu à Nagold (D) |
M 10 |
COBRA II |
432-623 |
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M 10 |
NAJA |
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perdu à Lindenberg (D) |
M 10 |
NAJA II |
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M 10 |
CROTALE |
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perdu en Italie janvier 1944 |
M 10 |
CROTALE II |
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détruit à Monte-Leuccio (I) mai 1944 |
M 10 |
CROTALE III |
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détruit à Roosfeld janvier 1945 |
M 10 |
CROTALE IV |
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détruit à Grussenheim janvier 1945 |
M 10 |
CROTALE V |
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M 10 |
PYTHON |
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M 10 |
PYTHON II |
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M 10 |
CRACHEUR |
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détruit à Monte-Leuccio (I) mai 1944 |
M 10 |
CRACHEUR II |
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M 10 |
MARGOUILLAT |
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détruit à Hyères août 1944 |
M 10 |
MARGOUILLAT II |
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détruit à Illhauesern janvier 1945 |
M 10 |
MARGOUILLAT III |
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M 10 |
PORC-EPIC |
439-607 |
détruit à Illhauesern janvier 1945 |
M 10 |
PORC-EPIC II |
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M 10 |
IGUANE |
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M 10 |
IGUANE II |
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M 10 |
MALINKE |
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M 10 |
MALINKE II |
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M 10 |
MOSSI |
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M 10 |
MOSSI II |
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M 10 |
SOMONO |
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M 10 |
SOMONO II |
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M 10 |
OUOLOF |
439-572 |
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4ème ESCADRON : Cne FRAPPA |
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![]() |
MF 2574 R |
M 10 |
DIA |
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M 10 |
DOUNA |
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M 10 |
DJENNE |
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M 10 |
DIRE |
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M 10 |
KOULIKORO |
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M 10 |
KOUTIALA |
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M 10 |
KATI |
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M 10 |
KOULOUBA |
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M 10 |
SEGOU |
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M 10 |
SEGOU KOURA |
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M 10 |
SAN |
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M 10 |
SANSANDING |
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